– Le Ronzier
Un hameau médiéval au Ronzier ?
A l’est du Puy de la Vaisse (1358 m.), le vaste replat herbeux de la Montagne du Ronzier (1243 m.) longe le bois du Ronzier qui recouvre un petit ravin. En examinant le terrain, on découvre le long du bois du Ronzier la trace de nombreuses fondations de constructions, certaines de grande taille et d’aspect plus ou moins rectangulaire. Toute élévation a aujourd’hui totalement disparu. Seules restent inscrites dans les herbages des concavités parfois cernées de petits bourrelets qui marquent les limites des murs d’anciens bâtiments. A peu de distance au nord, des sources aujourd’hui captées fournissaient l’eau indispensable à la vie. L’endroit était longé par un très ancien chemin toujours bien visible aujourd’hui. Ce chemin qui est représenté sur le cadastre de 1828 conduisait d’Egliseneuve d’Entraigues à Besse en passant par Graffaudeix, Moudeyre, La Fage, le Ronzier, puis l’est du Montcineyre. Le village du Ronzier peut être considéré comme un lieu où on pouvait faire étape quand on se rendait à Besse depuis Espinchal ou Egliseneuve.
Au Moyen Âge, la montagne du Ronzier a pu faire partie de la seigneurie d’Escouailloux tenue en haute justice par Bernard Ronat, vassal du Dauphin d’Auvergne et non du seigneur de Brion. Le Ronzier passa ensuite aux Saint-Nectaire, seigneurs hauts justiciers qui, au début de l’Epoque moderne, y touchaient le cens.
En 1569, une quarantaine de paysans de Compains, Egliseneuve d’Entraigues et Condat paient à François de Sennecterre un cens en argent et en fromage pour un tènement et une montagne situés au pied du Puy de la Vaisse, côté du levant. Les lieux sont dits Longs bois, Rochebrune et Claux de la Reynerie, du nom d’un propriétaire à qui Gaspard de Montmorin-Saint-Hérem avait un temps dû confier la seigneurie de Brion pour payer ses dettes (voir le chapitre consacré aux Montmorin-Saint-Hérem). Il s’agissait d’herbages, bois, caves à fromages, chazaux (ruines), prés, fraux, communaux et autres terres froides (en friche mais labourées de façon intermittente). La présence au Ronzier de chazaux sans signalement de lieux d’habitation indique que le village a été depuis longtemps abandonné, peut-être même depuis la Guerre de Cent ans sans doute abandon qui aurait favorisé ensuite un changement de mode d’exploitation des terres. Cette évolution à l’Époque moderne laisse donc pressentir la présence d’un village médiéval, perché à 1243 m.ètres au Ronzier que les hasards de la documentation ne nous auraient pas permis de faire émerger dans les textes médiévaux retrouvés.
En 1744, le Ronzier appartient au seigneur d’Escouailloux, Jacques Dubois dont la seigneurie passera l’année suivante à l’abbé Dufour. Un texte de 1779 évoque les “anciens vestiges des bâtiments du village de la Vaisse” situé “a l’aspect de jour”, c’est à dire à l’est du Puy de la Vaisse, semblant confirmer que les ruines du Ronzier sont bien celles d’un très ancien village et non celles de burons. L’élément cartographique dont on dispose confirme ces dires. Sur la carte de Cassini réalisée vers 1760, seule une “vacherie” est indiquée sur la montagne du Ronzier. Plus tard, le cadastre de 1828 n’indique plus que des burons à cet endroit. Les toponymes retrouvés sur la matrice du cadastre n’indiquent aucuns des anciens noms de lieux évoqués en 1569 qui marquaient des noms d’anciennes parcelles disparues avec la transformation du mode d’exploitation en montagne d’estive.
Le bois du Ronzier où s’approvisionnaient les habitants d’Escouailloux avait été si dégradé pendant la Révolution qu’il n’y restait que des broussailles. En 1802, on ne pouvait même plus y prendre de bois de chauffage. D’un commun accord, les habitants s’interdirent d’y faire pacager leurs bestiaux et d’y couper du bois durant six ans. On envisagea même que si le garde des bois prenait en flagrant délit un contrevenant, il lui serait interdit de faire aucun accommodement amiable avec le fautif, sauf à obtenir l’accord des habitants.
Les plaintes qui concernaient l’exploitation trop intensive des bois étaient aussi courantes qu’anciennes. Dans un procès verbal de l’Assemblée provinciale d’Auvergne réunie à Clermont-Ferrand le samedi 1er décembre 1787, le rapporteur expose que “les montagnes de cette province étaient autrefois couvertes de bois. Le malheur des temps, les impôts excessifs ont fait recourir à leur vente comme à une ressource qui n’a été que momentanée… il est donc arrivé un double malheur de la perte des bois… si les montagnes eussent continué à être garnies de bois, elles eussent contribué à l’utilité générale de l’agriculture en diminuant les influences du mauvais temps, eussent empêché le malheureux d’employer ce qui ne doit servir qu’à l’engrais de la terre”.
“Ces malheurs accumulés en ont occasionné un plus considérable : c’est l’émigration forcée de ceux de ses habitants les plus utiles, une grande partie des cultivateurs ne trouvant non seulement la récompense de leurs sueurs, mais même leur subsistance, s’expatrient pour trouver ce que leur patrie leur refuse… cela est au point où il y a des parties ou des villages entiers ont disparu”.
Le Ronzier – Cavité laissée par un ancien bâtiment
Donc, en 1787, selon cet auteur, la vente de bois fut utilisée pour palier au manque de ressources au fil des crises économiques (épizooties, climat, disettes…) qui avaient émaillées le XVIIIe siècle. En l’absence de bois, les bouses séchées des bovins, nommées par certains “bois de vache”, servaient alors de combustible. On pouvait aussi se tourner vers un autre combustible, la tourbe, largement présente dans les nombreuses tourbières du finage de Compains et en particulier au Ronzier où on trouve un lac-tourbière dit en 1569 “le Ronzier qui souloit estre un étang”. A cette époque le lac appartenait indivisément à un homme de loi et quelques paysans.
Au Ronzier : ancien chemin d’Egliseneuve d’Entraigues à Besse
Le Ronzier village abandonné au pied du Puy de la Vaisse
Source : Archives départementales du Puy-de-Dôme, carte de Cassini modifiée
A SUIVRE
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