– De Compains vers…
De l’Ancien Régime au XIXe siècle
.
.
LES CHEMINS DE COMPAINS VERS…
.
.
Les anciennes cartes de l’Auvergne établies avant la Révolution ne mettent en évidence que les routes principales et ignorent les chemins qui desservaient localement les Montagnes occidentales. Ni la carte de Lebat (1715), ni les cartes de Cassini (v.1760, 1797) ne contribuent à la représentation des chemins qui sillonnaient les montagnes d’Auvergne, a fortiori de ceux qui desservaient Compains. On verra ci-dessous sur la carte de Cassini établie en 1797 que seule une partie du réseau étoilé des “grands chemins” qui partent de Clermont-Ferrand est représentée. Il faudra attendre 1828 et le cadastre napoléonien pour voir figurés les chemins de traverse de la commune (voir site ADPD). Avant la Révolution, ce sont donc les textes plus que les cartes qui fournissent un maigre éclairage sur les chemins de desserte rurale à Compains et dans ses alentours.
Le manque d’argent entravait l’exécution des travaux routiers. L’intendance d’Auvergne qui entreprit pourtant de grands travaux au XVIIIe siècle, privilégia la mise à niveau des ouvrages essentiels en améliorant prioritairement les routes qui partaient de Clermont ainsi que de nombreux ponts, à l’exclusion des chemins et des ponts des montagnes. L’entretien, entravé par l’absentéisme consécutif à l’émigration hivernale, fut assuré par des corvées royales jusqu’en 1776, date à laquelle Turgot les abolit. Les corvéables fournissaient des “journées de manœuvres à bras” complétées par des “journées de voitures à bœufs”. Après 1776, les communautés rurales durent se débrouiller en pratiquant par exemple l’adjudication de l’entretien des routes à des entrepreneurs, ce qui posait souvent aux communes d’insolubles problèmes financiers.
Les avis souvent critiques des grands témoins du temps des Lumières, (Legrand Dhaussy, Arthur Young) puis, plus tard, l’abbé Nicolas Ordinaire n’éclairent pas davantage notre recherche. Quand en 1770 on rend praticable aux voitures le chemin Champeix-Besse [Imberdis] on ne poursuit pas au-delà de Besse des travaux qui auraient amélioré l’embranchement qui conduit jusqu’à Compains, à dix kilomètres de là.
Jean-Charles de Laizer, comte de Brion et son fils le marquis Louis-Gilbert, seigneur de Montaigut-le-Blanc, participèrent en 1787-1788 aux travaux, l’un de l’Assemblée provinciale d’Auvergne, l’autre de la Commission intermédiaire chargée de veiller à l’exécution des mesures prises par l’Assemblée. La Commission donna une grande importance aux routes et aux ponts principaux sans qu’il n’en sortît aucun bénéfice pour la desserte de Compains. A peine voit-on les Laizer signaler aux autorités les abus (empiètements) perpétrés par les riverains de chemins qui n’étaient pas situés à Compains. Décrivant l’Auvergne en 1804, l’abbé Ordinaire évoque le triste état des chemins montagnards, à la fois victimes du climat, du désintéressement des populations et, comme toujours, des empiètements “ils se dégradent journellement, on ne les soigne nulle part et nombre de riverains avides les resserrent” (empiètent).
.
Vers les grandes villes d’Auvergne
.
Les courants de relation des compainteyres étaient déterminés par trois facteurs principaux : la nécessité d’aller s’approvisionner et vendre des produits à Besse et, plus occasionnellement, de traiter des affaires à Clermont, les foires et le trafic commercial qu’elles induisaient et enfin les chemins de l’émigration hivernale vers les “provinces étrangères”.
Trois chemins principaux reliaient Compains aux régions voisines : le premier, considéré comme sûr mais difficilement praticable était celui des cimes. Il reliait Compains à Issoire et Saint-Germain-Lembron par les crêtes, en évitant la vallée de la Couze d’Ardes. Plus facile et très fréquenté, le deuxième ralliait Besse à Clermont par Champeix. Enfin, un troisième chemin conduisait au sud vers Egliseneuve d’Entraigues et le bourg de Condat dont le pont était un lieu de passage très emprunté, notamment par ceux qui, venus du Limousin ou du Poitou, se rendaient aux foires de Brion. On verra qu’une fois la sécurité revenue on envisagera au XIXe siècle d’aménager une route plus courte et carrossable vers Clermont en modernisant le chemin qui traversait les gorges de Courgoul.
.
Vers Issoire et Saint-Germain-Lembron
En dépit de l’attraction exercée par les foires de Brion, se rendre de Compains à Issoire resta longtemps très difficile. Peu praticable, la desserte de la paroisse vers l’est était décriée et boudée par les contemporains. A trois lieues de Brion, le bourg marchand d’Ardes constituait une interface commerciale importante entre les Limagnes et les montagnes. Qu’ils soient venus de la région lyonnaise, du Forez et du Beaujolais ou de Marsac en Livradois, les acheteurs de bétail convergeaient vers Ardes d’où ils se rendaient, à trois bonnes lieues de là, aux foires de Brion. Auteur en 1765 d’un Mémoire sur l’état de l’Auvergne, l’intendant d’Auvergne Bernard de Ballainvilliers évoque cette difficulté : bien qu’on comptât six foires à Ardes, la liaison avec Saint-Germain-Lembron était impraticable aux voituriers et c’est à dos de mulet ou à dos d’hommes qu’on devait transporter les marchandises. Pourtant, aux dires même de l’intendant, l’amélioration des chemins aurait grandement facilité le commerce des produits des montagnes, un vœu pieux qui ne fut jamais suivi d’effet. Au XVIIIe siècle, les “routes des intendants” continuèrent à ne desservir que les grands axes en évitant soigneusement les montagnes.
.
Vers Clermont par Besse et Champeix
Vers le nord de Compains, le chemin de Besse franchissait au Pontet de Roche le ruisseau de la gazelle encore proche de sa source à cet endroit. C’était la voie, considérée comme sûre, qu’empruntaient les compainteyres pour se rendre au marché qui se tenait (et se tient toujours) à Besse le lundi matin et ce, depuis le Moyen Âge. Le trajet qui, au delà de Besse, passait par Champeix avant d’atteindre Clermont, était tributaire de ponts souvent mal entretenus et parfois ruinés. Une requête des bessois déplore en 1775 que “le grand chemin de Besse à Clermont” soit devenu impraticable à cause de l’écroulement de deux ponts que les acquéreurs du bois tiré de la forêt des Gardes (com. Saint-Genès-Champespe) avaient fait construire pour transporter le bois qu’ils en extrayaient. Les bessois réclament la reconstruction des ponts.
Parfois, des malversations créent un imbroglio. Ainsi en 1777, Godivel, subdélégué de l’intendant d’Auvergne à Besse, déplore que le pont qui franchit le torrent de Roussat à Saint-Diéry laissé inachevé trop longtemps, doive être refait. Pendant ce temps, coupable de malversations, l’entrepreneur chargé des travaux avait été emprisonné dans une geôle sans doute peu hermétique d’où il s’était évadé. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’on décida de reconstruire le pont qui, autre exemple d’impéritie, s’écroula à nouveau en 1789. Face au manque d’argent, force était d’agir avec débrouillardise et de recourir à des expédients. Ainsi, faute de pont pour traverser un cours d’eau gelé en hiver, était-on parfois contraint de couvrir la rivière avec des couvertures de laine ! On conçoit pourquoi, en l’absence de pont, les traversées à gué provoquaient toutes sortes d’accidents pendant la débâcle printanière.
.
Vers Valbeleix et Courgoul
En 1839, l’idée d’un nouvel itinéraire fait son apparition. On souhaitait à Compains prolonger le chemin de traverse qui conduisait au Valbeleix pour en faire un “chemin vicinal de grande communication”. Les choses évoluant lentement, rien n’était encore fait en 1856 et, comme en témoignent les comptes rendus du conseil municipal, les habitants mécontents exigeaient “à cor et à cri” qu’on améliore les voies de communication pour, enfin, développer le commerce local. Le conseil municipal voulut faire classer “la voie qui s’en va en pente douce comme la rivière (la Couze) qu’elle a continuellement pour compagne” en chemin de moyenne viabilité d’intérêt commun. Cette nouvelle route devait suivre la Couze jusqu’au Valbeleix avant de gagner Chidrac, puis Issoire. Comparé avec l’itinéraire habituel qui passait par Besse, ce nouveau tracé faisait gagner des kilomètres mais on l’avait longtemps évité à cause de l’insécurité qui régnait dans les gorges de Courgoul où des rôdeurs détroussaient les passants. Selon les compainteyres, cette nouvelle route (n°26) présenterait l’avantage d’éviter “de se perdre dans les plus mauvais temps” grâce au couvert boisé qui protègerait les voyageurs des intempéries. Au XIXe siècle, les routes des vallées étaient dorénavant considérées comme sûres.
Pour l’établissement de cette nouvelle route n°26 qui, de bout en bout, devait relier Condat à Issoire par Compains, le conseil municipal était prêt à voter des crédits, à condition qu’elle “traverse le lieu central de la commune de Compains”, c’est à dire le bourg. Transparait là chez les élus la crainte que le tracé de la nouvelle route privilégie Brion en évitant le bourg, reflet de la rivalité qui s’était développée entre les deux principaux villages de la commune dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Le réseau étoilé des chemins autour de Clermont-Ferrand
Carte de Cassini (1797)
.
Pour le conseil municipal, le tracé sud de la nouvelle route qui correspondait le mieux aux besoins des voyageurs passait par la Joignal, la Clide, les Fraisses, le Chomeil et la Borie, soit, à peu de choses près, la route qui conduit aujourd’hui de Compains à Egliseneuve d’Entraigues. Restait à régler l’épineux problème des expropriations. Peu réaliste, le conseil municipal espéra un temps que les propriétaires expropriés seraient prêts à donner à la commune les terrains nécessaires à la construction de la route. Dix ans plus tard, cette illusion s’étant totalement dissipée, on envisageait de réunir les financements pour dédommager les expropriés.
Vieux pont en dos d’âne dans les gorges de Courgoul
.
.
Les chemins intra-communaux
.
Le réseau de chemins pentus, tortueux et parfois rendus dangereux par les narses et les tourbières qui parcouraient en tous sens la vaste paroisse de Compains était bien adapté au relief montueux et à une population qui approcha un temps au XIXe siècle le millier d’habitants, dispersés en une quinzaine de hameaux.
.
Du bourg vers Brion (voir aussi le chapitre Les chemins de Brion)
De tous temps avant l’ouverture de la route actuelle (1873), un parcours du combattant d’environ cinq kilomètres conduisait du bourg jusqu’au village seigneurial de Brion. Pour emprunter ce sentier par beau temps, on franchissait la Couze, peu conséquente à cet endroit car encore proche de sa source. Parvenu au pied du massif, il fallait s’engager dans une montée longue et difficile puis traverser le plateau avant d’atteindre Brion. Mais pour pouvoir suivre cet itinéraire, encore fallait-il qu’il fît beau temps. Quand les intempéries rendaient ce trajet impraticable, on devait suivre la vallée de la Couze jusqu’au village de la Ronzière, puis monter à Brion en suivant le ruisseau des Règes.
Ancien chemin du bourg à Brion
.
Vers la Gazelle et Marsol
Construit sur une cheire caillouteuse, le bourg est aujourd’hui encore relié au ruisseau de la Gazelle et à Marsol par des sentiers pleins de charme. Bordés pour certains de murets de pierres sèches arrachées à la coulée volcanique, ces chemins ont, de tous temps, délimité des espaces herbeux où paissent encore aujourd’hui de nombreux moutons.
Compains – En cheminant vers le ruisseau de la Gazelle
.
Pour monter de la Gazelle aux Costes, on franchit le cours d’eau parfois torrentueux sur un ponceau qui parait n’avoir pas changé depuis le Moyen Âge. Parvenu au hameau des Costes, on peut suivre un chemin qui, en contrebas de la route actuelle, conduit au hameau de Marsol.
Compains – Ponceau sur la Gazelle
Près de Marsol, un chemin, dit dans les textes, chemin de Combrachi, conduisait au Puy Moncey, l’ancien volcan qui domine la vallée de Compains. Ce chemin aboutissait au chemin de la viol venu de Marsol qui traversait le bois de Moncey.
Compains – Ruisseau de la Gazelle
.
Vers Chaumiane et le nord-ouest de la paroisse
Au-delà du hameau de Chaumiane, la paroisse était – et reste – vide d’habitants. Le nord-ouest de la paroisse n’était parcouru que de chemins d’exploitation qui, comme aujourd’hui, desservaient une zone vouée à l’élevage et à l’exploitation du bois. On a vu qu’un chemin orienté nord-sud se divisait en deux branches de part et d’autre du Montcineyre pour assurer la communication entre Besse au nord, Compains et Egliseneuve d’Entraigues au sud.
Le chemin des morts
Entre le hameau de Chaumiane et le bourg, un chemin de traverse bordé de pierres sèches est dit “chemin des morts”. Il servait de raccourci pour descendre le corps des défunts jusqu’à l’église.
Entre le bourg et Chaumiane : le chemin des morts
.
Conformément à son usage, on aurait pu s’attendre à ce que cette coursière fort pentue ait été bordée d’une croix ou même d’une table des morts qui aurait ménagé une halte aux porteurs sur ce chemin accidenté. Si ce fut le cas, il n’en reste rien.
.
Du bourg vers Egliseneneuve d’Entraigues et Condat
Brion n’était pas le village le plus éloigné du bourg. Pour atteindre les lointains hameaux d’Espinat, Redondel, Graffaudeix ou Moudeyre, il fallait parcourir vers le sud-ouest plus de sept kilomètres sur des chemins parfois ardus. Quant à ceux qui, venus de la Fage au pied du Puy de la Vaisse, se rendaient par les Yvérats et Cureyre jusqu’à Brion, ils devaient emprunter le “chemin du Maupas”, qualification qui en dit long sur les embuches qui pouvaient guetter ceux qui devaient suivre cet itinéraire.
On a déjà évoqué plus haut le chemin de desserte régionale qui, évitant le bourg, reliait Besse au pont de Condat par l’ouest du Montcineyre. Nommé dans les textes “le grand chemin” ou “le chemin public”, ce chemin se divisait au col de la Chaumoune. Vers l’est, il se dirigeait vers Espinchal, vers l’ouest un embranchement conduisait à Egliseneuve d’Entraigues puis Condat.
.
On verra au chapitre suivant (voir le chapitre Obstacles aux déplacements) que cet itinéraire n’était pas dépourvu de dangers quand il fallait franchir le pont de Condat.
.
Traverser la Couze et la Gazelle
Proche des sources de la Couze, Compains est dépourvu d’anciens ponts remarquables et de lavoir. Il faut cependant signaler non loin de l’église un charmant petit pont qui enjambe la Couze.
.
Dépourvues de cours d’eau navigables, les montagnes de Compains resteront privées de routes véritablement carrossables jusqu’à la fin du XIXe siècle. Si cette absence d’infrastructures ralentit sans aucun doute les trafics de marchandises, elle n’impacta pas fondamentalement les foires fréquentées depuis le Moyen Âge par les marchands.
.
.