ROUTES et CHEMINS
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Les “chemins seigneuriaux” des Bréon au Moyen Âge
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Les éléments cartographiques de ce chapitre ont été puisés dans les plans cadastraux établis sur ordre de Napoléon et numérisés par les archives départementales du Puy-de-Dôme et du Cantal.
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Les sources médiévales relatives aux voies de communication proches de Compains au Moyen Âge ne sont pas lacunaires, elles sont muettes. Pourtant, la présence à Compains de villages (hameaux dispersés) nombreux tels qu’ils apparaissent dans les textes du XIVe siècle laisse à penser qu’on s’y déplaçait en tous sens et depuis longtemps sur un réseau de chemins pastoraux sans doute assez semblables à ceux qui apparaissent sur le cadastre napoléonien de Compains dressé en 1828. En pratiquant une histoire régressive, nous nous appuierons donc sur les tracés de ces plans cadastraux pour en extrapoler les itinéraires qu’empruntèrent les seigneurs de Brion au Moyen Âge. Les hypothèses d’itinéraires qui suivent sont étayées par la documentation qui source notre ouvrage sur le lignage des Bréon.
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Des sentes multiples, mais un désert routier
L’examen des cartes anciennes, confirmé par les sources textuelles, montre que de l’Alagnon à Besse et de l’Artense au pays coupé, un grand désert routier environnait Compains. Les marchandises qu’on ne pouvait faire voiturer par charrettes devaient être transportées par des muletiers ou à dos d’homme. Freiné, le commerce allait pourtant son train, mais l’absence de voies de communication bien entretenues augmentait les coûts de transport et compromettait l’essor économique de toute une région qui n’était qu’en apparence repliée sur elle-même.
On évitera donc ci-dessous de parler de routes, le pays de Compains, comme les montagnes occidentales en étant presque totalement dépourvu. On évitera aussi de parler du milieu naturel “obstacle aux communications”, puisque, sous l’Ancien Régime comme sous l’Empire, ce qui manqua principalement aux hautes terres c’est la volonté politique de sortir la région de son isolement relatif en finançant les travaux routiers indispensables.
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Des chemins tracés depuis des temps immémoriaux
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De la seigneurie de Brion vers le Dauphiné d’Auvergne
Les châtellenies des Bréon ne constituèrent jamais un ensemble géographique vraiment cohérent puisque le territoire qu’ils gouvernaient était loin d’être d’un seul tenant. Les éléments constituants de leur puissance territoriale contournaient et enveloppaient le Cézalier central tenu par les Mercoeur. La nébuleuse des châtellenies rurales des Bréon montre des fiefs et des biens nombreux mais dispersés entre le Dauphiné d’Auvergne, la périphérie du Cézalier, l’Artense, l’Alagnon et jusqu’à la planèze de Saint-Flour. Une telle dispersion induisait une forte mobilité géographique pour se rendre d’un lieu à l’autre et nécessitait de recourir aux médiocres chemins des montagnes.
Quand, depuis leur castrum de Brion les seigneurs de Compains se rendaient à Saint-Hérent et Montpentier où ils tinrent un temps des fiefs, ou quand ils se rendaient chez les Saint-Floret avec qui ils avaient tissé des relations familiales, ils croisaient sur leur itinéraire le château de Vodable, résidence du Dauphin d’Auvergne, leur suzerain. On ne se rendait pas à Vodable que pour pratiquer la poésie courtoise qu’affectionnait le dauphin. Le rôle imparti par le dauphin à ses vassaux, les milites (hommes d’armes) installés en sentinelle à Brion, consistait avant tout à assurer la sécurité au sud du Dauphiné face aux Mercoeur , seigneurs d’Ardes, du Luguet, de La Godivelle et de plusieurs autres villages au centre du Cézalier.
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Intérêt stratégique des ponts
L’état des ponts, (voir le chapitre Les obstacles aux déplacements), fut de tous temps un sujet de préoccupation pour les Dauphins d’Auvergne. Ainsi voit-on Robert III Dauphin en 1296, puis son successeur Jean Ier en 1340, léguer dans leurs testaments respectifs des sommes d’argent pour la réparation des ponts (Baluze).
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Compains – Petit pont sur la Couze près de l’église
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Pour se déplacer, le chemin le plus court n’était pas forcément privilégié. Fort de l’expérience héritée des anciens, on ne reculait pas à emprunter les chemins pentus qui conduisaient aux sentiers des crêtes, réputés plus sûrs que les fonds de vallées. Comme on le fit après eux durant des siècles, les Bréon empruntèrent sur les hauteurs de La Meyrand et de La Chapelle Marcousse les chemins qui conduisaient vers le Dauphiné puis vers Ardes, après que les dauphins devenus héritiers des Mercoeur y aient déplacé vers 1350 leur résidence.
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Chemins médiévaux vers le Dauphiné d’Auvergne et Ardes
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Sécuriser les chemins des foires
Avec l’émergence des premières foires (XIIe-XIIIe siècle), les drailles des montagnes occidentales durent accueillir la migration des bestiaux vers les foires de Brion. Le réseau de chemins qui se mit alors en place fut sans doute le précurseur de tous les “chemins de Brion” repérables sur les plans napoléoniens dans une quinzaine de communes autour de Compains. L’objectif prioritaire était moins la qualité de l’infrastructure que la sécurité des voyageurs qu’il fallait assurer durant le temps de leurs déplacements en évitant autant que possible la traversée des rivières aux ponts incertains et les vallées profondes qui pouvaient être mal fréquentées. Evitées donc les vallées de Rentières et de Courgoul, propices aux embuscades.
Favorable au commerce, le contrôle des voies de communication se révélait donc particulièrement stratégique pour les seigneurs de Brion qui avaient tout intérêt à sécuriser les itinéraires orientés vers le foirail du château où ils percevaient sur les marchands un péage qui constituait une part non négligeable de leurs revenus, complétés par la location de cabanes à des hôtes (aubergistes).
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Vers l’Entraigues et Condat
Prolongeant la seigneurie de Brion au sud-ouest du bourg, les nombreuses terres des Bréon étaient desservies par “un grand chemin” qui reliait le bourg au château d’Entraigues et à Egliseneuve. Une “estrade publique et antique” – un chemin qui avait donc sans doute été pavé – reliait Besse à “gleiseneuve” et Condat. Il est vraisemblablement proche ou se confond aujourd’hui par endroits avec l’actuelle départementale 978 qui relie Besse et Condat en passant par La Garde de Cisterne et Vassivière.
Certains ont allégué – sans apporter ni preuves, ni indices – qu’il s’agirait d’une ancienne voie romaine. Sans abonder vers ce sens de chemin antique, on notera cependant qu’on retrouve le terme estrade (du latin strata “voie couverte de pierres plates”), pour désigner l’important chemin pavé qui passait par la Garde de Cisterne en longeant le ruisseau de Clamousse, puis la Rhue. Cette étroite portion de terre tenue par Robert de Chaslus au XIVe siècle, séparait la seigneurie de Ravel, aux La Tour, de la seigneurie de Brion, alors tenue par les Bréon en faisant communiquer Besse et Egliseneuve d’Entraigues.
Entre Egliseneuve et Condat où les Bréon détenaient de multiples possessions, le chemin longe le Bois de Charreyre. Ce toponyme issu du latin carraria évoque soit une voie charretière, soit une charreyre, une voie qu’on empruntait quand on se rendait en forêt pour y exploiter le bois.
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Egliseneuve d’Entraigues – Ruines du Château d’Entraigues
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On franchissait la Rhue sur le pont de Condat, un lieu stratégique pour se rendre vers Bort, (aujourd’hui Bort-les-orgues), et Riom-ès-Montagnes. Le pont avait été construit “tout en maçonnerie” par les religieux de l’abbaye cistercienne de Feniers, sans doute à l’incitation des Mercoeur, fondateurs de ce monastère en 1173. La Rhue n’étant guéable qu’environ la moitié de l’année, assurer l’entretien régulier du pont était indispensable. Pour ce faire, le monastère percevait au pont de Condat un péage et deux deniers pour chaque mouton et brebis, un sol par chèvre et 18 sols par bœuf ou vache qui franchissait le pont. Les chemins vers Condat ne furent pas réservés qu’au “commerce et débit de fromages et bestiaux qu’on élève dans les montagnes” ; comme ceux du Dauphiné d’Auvergne, ils furent aussi des chemins seigneuriaux, empruntés par les Bréon et leurs vassaux quand ils se rendaient sur les nombreuses terres qu’ils tenaient jusqu’aux environs de Riom-ès-Montagnes (Lugarde, Soubrevèze, Châteauneuf…).
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De Mardogne à Brion
Ceux qui, venus du sud par la planèze de Saint-Flour, voulaient monter vers Brion devaient traverser l’Alagnon au Pont du Vernet, pont charnière proche du village de Joursac. Ce point de passage important était dominé par le Roc de Mardogne et son château un temps tenu par les Rochefort, puis par les Bréon qui y finirent leurs jours à la fin du XIVe siècle.
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Joursac – le château de Mardogne sur sa butte basaltique
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La seigneurie de Mardogne était reliée à la seigneurie de Brion par une voie nord-sud qui passait entre Seyrusse et Recoules laissant à l’ouest la Baladour et Saint-Anastasie. Par l’est du Puy de Mathonnière on suivait ensuite vers Paillassère et Chamaroux une draille qui rejoignait les chemins venus de Montgreleix et Marcenat d’où on pouvait rallier Brion. Faciles et peu concernés par la traversée des cours d’eau, ces chemins des sommets restèrent empruntés durant des siècles. Désertés par les marchands, ils sont aujourd’hui réservés à la desserte agricole et au pas des marcheurs.
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De la seigneurie de Mardogne à la seigneurie de Brion
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Passé le Moyen Âge et en dépit du trafic saisonnier intense qui sillonnait le Cézalier lors des foires, les montagnes occidentales restèrent évitées par les voies de communication importantes jusqu’à la fin du XIXe siècle.
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A SUIVRE aux chapitres :
De Compains vers…
Les freins aux déplacements
Les “chemins de Brion”
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