– Montcineyre
Occupation et exploitation des montagnes
aux abords du lac de Montcineyre au Moyen Âge
Ce chapitre repose en partie sur les recherches conduites dans le cadre de notre publication à paraître sur l’histoire des seigneurs de Brion au Moyen Âge. En dépit de sources lacunaires, on tentera d’articuler les évènements historiques médiévaux glanés à Compains et en particulier dans la région du Montcineyre, avec la thèse soutenue en 2015 de Léo Chassiot, chercheur en sciences de la terre (voir les références de la thèse en fin de chapitre). L’idée de nous lancer dans cette gageure alors que la documentation archivistique est rare et les données archéologiques absentes, nous a été suggérée par les observations du chercheur qui met notamment en évidence l’impact de l’action humaine et du climat sur l’érosion des sols volcaniques de quatre lacs d’Auvergne, (Chambon, Chauvet, Montcineyre, Pavin), au cours des 700 dernières années.
Seul le lac de Moncineyre et ses abords nous intéresseront ci-après.
Le Montcineyre et son lac – Au fond la Plaine du Montcineyre
Cliché : Philippe Tournebise
Plusieurs phases d’activité humaine décelées au fond du lac de Montcineyre
L’éruption du lac de Montcineyre il y a 7500 ans eut pour conséquence la formation à son pied d’un barrage de lave et de scories qui obstrua l’écoulement des eaux et permit la formation du lac d’une vingtaine de mètres de profondeur que nous côtoyons de nos jours.
En schématisant à l’extrême, on peut dire que Léo Chassiot, à partir de mesures et de carottages pratiqués au fond du lac situé au pied du bassin versant du volcan montre que, de 1300 à nos jours, ce remplissage ne fut pas linéaire dans le temps. A la sédimentation par le climat ou autres évènements (séismes) s’ajoutèrent des phases d’exploitation plus ou moins intenses selon les époques dont la trace s’est plus ou moins inscrite dans les sédiments (4 mètres d’épaisseur environ) retrouvés au fond du lac. Le chercheur note en particulier une surcharge sédimentaire consécutive à l’influence de l’homme sur les bassins versant du lac au fond duquel il pense avoir identifié de possibles traces de céréales. Entre le XIIIe et le XIVe siècle, il met en évidence un fort taux d’érosion qu’il estime dix fois supérieur aux taux actuels, suivi du XVe siècle à nos jours, de valeurs “drastiquement” inférieures qu’il pense pouvoir attribuer à la pratique d’une nouvelle économie pastorale d’estives. Nous tenterons d’articuler ces découvertes avec les données historiques et l’apport de nos propres recherches.
QUE DIT L’HISTOIRE
Cinq siècles de croissance démographique
De 900 à 1300 la population du royaume de France double. Les années 1320 correspondent à un pic démographique, bien connu grâce à l’état des feux du royaume, un dénombrement de la population établi en 1328 pour le roi Philippe VI de Valois. Le pays atteint alors un point culminant de plus de 20 millions d’habitants qu’il mettra plusieurs siècles à réatteindre après les décennies catastrophiques de la seconde moitié du XIVe siècle.
Les historiens ont mis en évidence les causes multiples de la forte croissance démographique de l’Auvergne entre les IXe et XIVe siècles, en particulier le réchauffement climatique et le repli vers le Massif Central des populations de la façade Atlantique qui fuyaient les invasions et venaient chercher refuge dans les montagnes du centre de la France. Le redoux climatique qui s’étire jusqu’au milieu du XIVe siècle favorise la production agricole et soutient la croissance. L’occupation du sol qui se densifie autour de l’an Mil est partout à l’origine d’une intensification des activités agricoles et pastorales. Le besoin d’exploiter des terres nouvelles devient impérieux pour répondre aux besoins d’une population croissante.
Deux nouveaux villages en lisière de Compains autour de l’an Mil
Conséquence de cette ère climatiquement et économiquement favorable, les villages d’altitude se multiplient aux Xe-XIe siècles. Accompagnant l’augmentation de la population, le paysage religieux se densifie lui aussi. Deux villages établis à la périphérie sud-ouest de Compains, Espinchal et Egliseneuve ont atteint un niveau de population qui leur permet d’entretenir un desservant. Elles parviennent autour de l’an Mil à s’ériger en paroisse.
La seigneurie de Brion et ses villages
La seigneurie
Vers les XIe-XIIe siècles, une famille seigneuriale, les Bréon, s’installe à Brion et juche sur la butte un imposant château flanqué au sud par le fief de La Garde et au nord par le fief de Roche-Larzalier, tenus par des vassaux. Non loin, des fouilles pratiquées au sud de la commune en 2014 ont révélé près du hameau de Cureyre des bâtiments contemporains des Bréon. Au bourg, dans les premières années du XIIIe siècle, c’est le chœur de l’église romane qu’on reconstruit en style gothique primitif. Enfin un siècle plus tard, nos sources dévoilent de nombreux hameaux égrenés sur les montagnes, des villages de la seigneurie qui se sont révélés dans leur grande majorité pérennes.
Compains (XIIIe-XIVe s.) : des villages nombreux, sauf au nord-ouest
Loin d’être une exception, le hameau exhumé lors des fouilles près de Cureyre ne constitue que l’un des éléments d’une nébuleuse de villages disséminés sur les montagnes. Il est avéré que Compains – seul village de vallée dans la paroisse – compte au XIVe siècle de nombreux villages égaillés sur les hautes terres. Dans un aveu de 1325, Maurin III de Bréon reconnait notamment que la seigneurie de Brion comprend “plusieurs villaiges” qui malheureusement ne sont pas nommés. Mais tout se précise en 1349. Les trois villages principaux constitués par le bourg castral de Brion, le bourg paroissial de Compains et le village de Chaumiane, dits “villa seu mansus”, voisinent alors avec 14 autres hameaux d’altitude, la plupart situés en limite de zone habitable.
Au sud-ouest du bourg on trouve Escouailloux, Cureyre sur une terre allodiale de Maurin, Espinat, Redondel,Graffaudeix, Moudeyre, La Fage et Groslier. Ces villages dont on ne sait s’ils étaient abondamment peuplés, flanquaient les chemins qui conduisaient de Compains et Brion vers la terre d’Entraigues où les Bréon tenaient au XIIIe siècle un château situé peu avant le village d’Egliseneuve évoqué plus haut.
Les 17 villages de Compains au XIVe siècle
Carte de Cassini (vers 1760) modifiée
Au nord du château de Brion, on trouve les manses de Chandelière et Groslier auxquels on ajoutera le village que nous nommons Belleguette-Haut, bien qu’il ne soit pas mentionné par les sources médiévales retrouvées. Il y subsiste aujourd’hui dissimulés dans les bois, une motte féodale bien conservée et d’importants vestiges qu’on peut penser d’origine médiévale.
Perchés sur les hauteurs qui dominent la rive gauche du ruisseau de la Gazelle, les trois hameaux de Marsol, Roche et Escoufort que le découpage seigneurial de la paroisse faisait dépendre au XIVe siècle de Bernard Ronat, et au XVe siècle des seigneurs de Saint-Nectaire. En se limitant aux villages cités en 1349 par les sources, ce ne sont donc pas moins de 16 villages ou hameaux qu’on trouve disséminés autour du bourg de Compains sur un vaste territoire paroissial d’environ 65 km2 au XIVe siècle (aujourd’hui 50 km2). Il faut dire enfin que d’autres ruines dont on peut suspecter l’origine médiévale subsistent ici ou là, disséminées sur le territoire de la commune.
Les abords du lac de Montcineyre : habités au Moyen Âge ?
Au nord-ouest de la commune on entre dans une zone de confins géographiques dépourvus de villages où aujourd’hui encore l’impression d’isolement domine. A l’ouest du Montcineyre, il faut parcourir une dizaine de kilomètres à travers des herbages saupoudrés de tourbières avant d’atteindre le village de Picherande en Artense.
Bien que La région du Montcineyre soit fort peu documentée, il apparait en 1280 lors d’un partage des biens de Maurin II entre ses quatre filles que l’aînée, Dauphine de Bréon, hérita des hautes terres d’Entraigues et de Chambedaze jusqu’à la montagne du Cocudoux, à 2 km du lac de Montcineyre. Le Cocudoux marquait la limite nord-occidentale de la seigneurie. Aucun village n’est alors mentionné près du terroir du Cocudoux que nous pensons avoir été dès cette époque couvert d’herbages d’altitude principalement voués aux estives, comme toute la frange ouest de la paroisse de Compains. En atteste par exemple le tènement et affar de La Fage, exploité en montagne puis converti en domaine au XVIIIe siècle.
Roche, Escoufort-bas, Chaumiane, hameaux les plus proches du lac de Montcineyre
(Géoportail modifié).
L’ouest et le nord du Montcineyre font partie vers 1300 d’un espace aux contours à peu près délimités par la documentation retrouvée mais dont le type d’occupation (permanent ou saisonnier) et l’exploitation (cultures ou estives) restent flous en l’état actuel de notre recherche. Les hommages des Bréon en 1222, 1325 et 1365, se contentent d’évoquer les “appartenances” de la seigneurie, sans malheureusement les détailler. On sait cependant que les versants du Montcineyre étaient couverts de bois seigneuriaux où, en vertu d’un droit d’affouage, les habitants de Chaumiane venaient en 1359 s’approvisionner en bois de chauffage, un droit qui sera confirmé en 1368 par Itier de Bréon.
Les abords du lac de Montcineyre n’étaient pas dépourvus d’habitants. A environ 1 km 500 à vol d’oiseau du lac, on trouvait au XVe siècle l’affar (exploitation agricole) de “Scoufor soutra” (Escoufort-bas, 1140 m.) et, à un peu plus de deux kilomètres, les hameaux de Chaumiane (1104 m.) et Roche (1110 m.). La région du lac n’était donc pas déserte, nous y reviendrons.
Au XIVe siècle : le temps des mortalités et de la dépopulation
Survient vers 1350 un retournement de conjoncture aux causes multiples. Les circonstances climatiques (refroidissement), sanitaires (peste) et politiques (guerre et pression fiscale) qui perturbent gravement l’économie locale, dépeuplent la région durant plusieurs décennies. La basse Auvergne comme les montagnes de Compains sortent à peine vers les années 1390 de trente ans de calamités au cours desquels les évènements se sont ligués contre les habitants.
Début du “Petit âge glaciaire”
Des années humides (1316-1317) avaient déclenché des crises de subsistance. Puis ce furent les étés pourris de 1347 et 1349, annonciateurs du refroidissement climatique de longue durée qui impactera le royaume jusqu’au milieu du XIXe siècle. Cette rigueur nouvelle du climat et l’augmentation des contrastes saisonniers put contraindre certains paysans à déserter leur village d’altitude pour opérer un repli vers des zones d’exploitation plus basses aux températures plus clémentes.
Peste
La peste se répand sur le royaume en 1348. Hasards de la vie ou ravages de la maladie, Maurin III de Bréon voit disparaitre en 1349 sa soeur Léone religieuse au monastère de Beaumont et son beau-frère Pierre de Tinière, qui meurent tous deux, un an après l’arrivée de la peste. La mortalité explose et les hommes manquent pour tenir les postes de garde. A cause des retours réguliers de la maladie on ne trouve plus suffisamment d’hommes pour faire le guet au château de Mardogne, l’autre grande seigneurie des Bréon. Maurin tente vainement en 1369 de faire venir des hommes du village voisin de Moissac-le-Chastel pour assurer le guet à Mardogne. A quelques kilomètres de là, le bourg d’Allanche n’est pas mieux loti : “tant a causa de las guerras como de las mortalidad”, on ne trouve plus suffisamment de guetteurs en 1384 pour garder les murailles. Compains est sans doute en partie déserté.
Guerre de Cent Ans
L’insécurité consécutive à la guerre atteint l’Auvergne après la défaite de Poitiers (1356). Compains connait alors entre 1360 et 1390 trois décennies terribles. La région est parcourue par les chevauchées des Anglais et par les bandes de routiers auxquels l’isolement des montagnes offre des refuges sûrs. Les Anglais occupent en 1362 une cinquantaine de sites castraux en Auvergne et Limousin. Parmi eux, un lieu nommé “Brionne” dont tout porte à croire qu’il s’agit du château de Brion dont on est certain qu’il est occupé en 1375. A cette date, le dauphin d’Auvergne suzerain des Bréon, collecte des fonds pour payer le pâtis (rançon) qui doit libérer Brion ou, au minimum, contribuer à limiter les exactions de ses occupants. Les villages proches de Compains et leurs châteaux (Thiollières près de Besse, Roche-Charles aux Saint-Nectaire et Vodable) sont soit occupés, soit ravagés par les Anglais. Tous ceux qui le peuvent désertent les campagnes pour venir se réfugier en ville ou dans les bourgs fortifiés de la région.
Fiscalité
Au nombre des malheurs du temps, il faut ajouter la pression fiscale exercée par Jean, duc de Berry et d’Auvergne. Apanagé de l’Auvergne par son père le roi Jean II en 1360, le duc leva durant des années sur le “povre païs d’Auvergne” des impôts excessifs qui finançaient ses dépenses somptuaires : “il lui était égal où cela fut pris pourvu qu’il l’eut” écrira Froissart au vu des demandes de subsides excessives et incessantes formulées par le prince.
Début de redressement après 1390
L’intrication de ces malheurs durant trois décennies ne put que laisser la région de Compains ravagée. La reprise de l’activité en Basse Auvergne s’amorce dans les années 1390. Encore fallait-il trouver des tenanciers qui veuillent reprendre l’exploitation des terres désertées. Pour les inciter au retour, certains seigneurs leur octroient des avantages fiscaux ou leur concèdent quelques lopins à défricher et semer.
ÉPILOGUE
Les observations de Léo Chassiot vont dans le sens des évolutions historiques énoncées plus haut quand il met en évidence “différentes phases d’exploitation avec en particulier vers 1300” des “taux d’érosion des sols dix fois supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui” à l’origine d’importants transferts de matière organique depuis les bassins versants du Montcineyre vers le lac. Il s’agit là, on l’a vu, de la conséquence d’une croissance multiséculaire débutée vers le XIe siècle. Ce mouvement long de prospérité relative fut progressivement ralenti, sinon stoppé par les malheurs du temps, avec pour conséquence démographique la dépopulation.
Après avoir examiné les sédiments retrouvés dans les carottages pratiqués au fond du lac, Léo Chassiot remarque que l’exploitation des terres fut suffisamment intense pour que les sols érodés du bassin versant “laissent suspecter” des “traces de céréales”. Il évoque en appui de cette assertion d’autres recherches conduites en 1988 au lac de Chambedaze par Pascal Guenet et Maurice Reille qui vont dans le même sens et laissent entrevoir “la présence de céréales dans un contexte de milieu ouvert, à une date postérieure à 1380”, (références de l’étude en fin de chapitre). Nos recherches tendent à confirmer ces observations.
Que semait-on à Compains ? Les cultures pratiquées dans la grosse exploitation agricole constituée par la châtellenie de Brion se dévoilent dans des textes notariaux des années 1330-1340. Ils font apparaître la nature des principales productions céréalières à Compains : le soligo (une sorte de seigle) et l’avoine.
Près du Montcineyre : un village à Escoufort-bas ?
Si le nord-ouest de la commune de Compains est aujourd’hui dépourvu d’habitants, il semble avoir été peuplé, au moins jusqu’aux XIVe et XVe siècles.
En 1354, dans la paroisse de Compains, l’affar d’Escoufort-bas relevait de Bernard Ronat seigneur de Rochebrune (près du lac de La Fage) et d’Escouailloux. Dans une nommée à Béraud dauphin son suzerain, Bernard Ronat reconnait percevoir à Escoufort des redevances foncières en argent et en nature (seigle et volailles). Le seigle était donc bien cultivé aux abords du lac de Montcineyre, ce qui conforte les observations de Léo Chassiot dans les sédiments du lac.
Passée la tourmente des années de malheur, Antoine de Saint-Nectaire tient à Compains une vaste étendue qui s’étire sur la rive gauche du ruisseau de la Gazelle depuis la montagne de Jansenet à l’ouest jusqu’à la chalm (montagne pierreuse) de Marsol à l’est. Il est en 1451 seigneur haut justicier d’Escoufort et de la montagne de Jansenet (1333 m.) dont il “garde pour lui” le sommet, un lieu où on peut penser qu’il a établi un poste de garde.
Dans une reconnaissance faite par des paysans à Saint-Nectaire en 1451 la montagne de Jansenet probablement exploitée en estives et le tènement d’Escoufort sont tenus en indivision par plusieurs cotenanciers. Seule une redevance en argent est versée au seigneur chaque année à la Saint-Julien. Courante, la pratique de convertir en argent une redevance en nature nous empêche ici de connaitre la nature d’éventuelles cultures. Escoufort-bas est donc exploité au XVe siècle sans qu’on puisse affirmer s’il y existait un véritable hameau, ni où il se trouvait. Si ce village exista, on peut envisager de le situer vers l’endroit où la carte I.G.N. signale des ruines près d’Escoufort-bas (carte I.G.N. Massif du Sancy 1 : 25 000).
Les habitants du manse de Roche exploitent le nord du lac
Une seconde reconnaissance à Saint-Nectaire montre en 1451 que les paysans du manse de Roche au nord du bourg exploitent en indivision la montagne de Jansenet soutra (bas). On a vu plus haut que Saint-Nectaire se réservait les hauts de Jansenet. Les paysans reconnaissent tenir en indivision du seigneur l’un les six dixièmes, l’autre la huitième partie d’un tènement dit de Barba dans la montagne d’Escoufort. Là encore ils paient une redevance en argent à l’exclusion d’une redevance en nature qui aurait permis d’avérer une culture céréalière. On pourrait peut-être voir là “un changement majeur dans l’utilisation des sols” comme l’envisage Léo Chassiot puisque les paysans semblent exploiter la montagne en estives. Ajoutons cependant la réserve déjà exprimée plus haut : les territoires de l’ouest ont peut-être été exploités en estives depuis des temps “immémoriaux”. Mais si c’est le cas, pourquoi des traces de céréales et ne pourrait-il s’agir d’usurpations ?
Du village de Roche à la montagne de Jansenet
Source : Cadastre 1828 modifié (A.D.P.D.)
Des usurpations en lisière de forêt ?
Il arrivait partout à Compains qu’on pratiquât en lisière de forêt quelques cultures céréalières illicites. Ce mésusage pouvait consister à défricher quelques parcelles le long d’un bois ou à empiéter sur les chemins pour agrandir une parcelle qu’on ensemençait ensuite. Souvent déplorée mais seulement plus ou moins réprimée à Compains de l’époque Moderne au XIXe siècle, cette pratique peut évidemment être envisagée à l’époque médiévale.
Les habitants de Chaumiane exploitaient-ils l’ouest du lac ?
A Chaumiane comme à Brion, le cens en nature payé au seigneur par les paysans était là encore composé de seigle et d’avoine. En 1359, le seigneur de Brion vend à Guillaume de Tinière le village de Chaumiane et ses appartenances, y compris la fraction des bois de Montcineyre où on a vu que les paysans bénéficiaient d’un droit d’affouage. Une partie de la hêtraie du Montcineyre se trouva donc cantonnée à leur profit, l’autre restant aux mains des Bréon. Ce changement de propriétaire put entrainer une intensification de l’exploitation des bois qui aurait privé les sols du bassin versant d’une partie de leur couvert forestier. L’hypothèse reste cependant ténue compte tenu du positionnement de Chaumiane au sud du Puy de Montcineyre, et donc à l’opposé du lac.
Chaumiane et l’extrémité nord-ouest de la seigneurie de Brion
Source : Cadastre 1828 modifié (A.D.P.D.)
Au XVe siècle : une “évolution des pratiques agro-pastorales” à Compains ?
L’étude des sédiments du lac par Léo Chassiot, montre au début du XVe siècle une “baisse drastique du taux d’érosion des sols” qu’on peut concevoir dans la logique des évènements évoqués plus haut : l’exode rural a laissé les montagnes de Basse Auvergne en grande partie désertées. L’inversion de tendance remonte au dernier tiers du XIVe siècle quand tous les facteurs sont réunis pour plomber la fragile économie du pays.
On ne peut pour le moment faute de source affirmer qu’on assiste dès le XVe siècle à une “évolution des pratiques agro-pastorales sur le pourtour du Montcineyre” qui aurait conduit à “une mutation des espaces agro-pastoraux vers un système de transhumance estivale”. Cette tendance à une l’évolution des modes d’exploitation qu’on peut sans doute observer ici ou là en Auvergne à la fin du Moyen Âge n’est pas observable à Compains avant le XVIe siècle à La Fage en particulier.
Tant que des fouilles ne viendront pas mettre au jour les traces d’un village aux abords du lac de Montcineyre, nous nous bornerons aux hypothèses vraisemblables d’usurpations et de cultures pratiquées par des paysans réfugiés pendant la guerre de Cent ans. Elles auraient pu suffire à alimenter les traces de céréales – semble-t-il infimes – détectées au fond du lac. La documentation dont nous disposons nous incline plutôt à penser que les herbages d’altitude des montagnes occidentales de Compains étaient exploités en montagnes d’estives dès le XIIIe siècle et ce, peut-être même depuis des temps plus “immémoriaux” encore.
Appelé à évoluer au fil de notre recherche le champ des possibles reste évidemment ouvert. Et acceptons l’augure que viendra le temps ou la multidisciplinarité sera en capacité de dissiper une partie de l’épais brouillard qui enveloppe encore l’histoire des hautes terres du nord-ouest de Compains.
En ligne sur HAL
Léo Chassiot, Forçages naturels et anthropiques sur la sédimentation holocène en domaine lacustre : application aux lacs d’Auvergne et aux réservoirs des bassins versants de la Loire et d’Adour-Garonne. Sciences de la Terre. Université d’Orléans, 2015. En ligne sur : HAL archives ouvertes.fr, novembre 2016.
En ligne sur Persée
Pascal Guenet, Maurice Reille. Analyse pollinique du lac-tourbière de Chambedaze (Massif-Central, France) et datation de l’explosion des plus jeunes volcans d’Auvergne. In : Bulletin de l’Association française pour l’étude du quaternaire, vol. 25, n°4, 1988, pp. 175-194.
Le lac du Montcineyre vu du nord
Cliché Philippe Tournebise
A SUIVRE
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