– L’entretien du bâti
L’entretien de l’église Saint-Georges et du presbytère
De la construction originelle en bois du IIIe siècle dédiée à Saint-Michel archange, au petit sanctuaire roman en lave dont ne subsistent que les deux travées de la nef, jusqu’à l’imposant sanctuaire romano-gothique d’aujourd’hui, l’église Saint-Georges fédère les compainteyres autour de son clocher depuis 1700 ans.
Peu entretenue pendant la guerre de Cent ans, Saint-Georges avait connu une renaissance au XVe siècle avec la construction de la tour d’accès au clocher, rénovation sans doute due à de généreux donateurs. Cet élan se trouva ralenti, sinon stoppé au XVIe siècle par les guerres de religion et l’occupation momentanée de la seigneurie de Brion par La Reynerie et La Richardie. Entretenue vaille que vaille par les fidèles, rénovée et embellie au XIXe siècle, l’église a survécu aux guerres, aux foudroiements, à la Révolution et aux conséquences des agressions climatiques diverses qui ne manquèrent pas de la frapper au fil du temps.
AU XVIIe SIÈCLE
La documentation retrouvée, complétée par les procès-verbaux des visites pastorales, témoigne abondamment du piteux état des églises de montagne au XVIIe siècle. A Compains, miné par des conditions climatiques difficiles, délaissé faute de moyens financiers, le patrimoine bâti religieux se trouvait alors dans un fort état de délabrement. Quant au presbytère, proche de l’église mais mal situé juste en contrebas du cimetière, il était indigne d’abriter le curé et d’accueillir des compainteyres. Nous ne reviendrons pas ici sur l’état déplorable de la chapelle Saint-Jean-Baptiste de Brion, décrit au chapitre La chapelle disparue.
Mauvais état de l’église
Déluge dans l’église
Le procès-verbal de la visite de l’église Saint-Georges dressé en 1634 en présence de Robert Brossel archiprêtre d’Issoire, montre un bâtiment très dégradé où les désordres nombreux ne sont pas étrangers aux sévères conditions climatiques qui règnent dans la région. L’inspection décrit un corps de bâtiment “long de trente pas et large de sept pas” surmonté d’une toiture couverte “dallebardeaux”. Cette toiture n’est pas étanche, “y pleuvant partout”.
Le clocher menace ruine
Cinquante ans plus tard, attaqué par les intempéries, c’est le clocher qui menace de s’écrouler prochainement. Les habitants déplorent en 1683 que “la gresle et les innondations ont été si fréquentes qu’il leur a esté impossible de faire remettre le clocher de ladite paroisse”. L’année suivante, on craint à nouveau que “la rigueur de l’hiver fasse abattre le clocher”. Pour justifier ce retard à agir, les habitants expliquent que, s’ils ont trop attendu pour rénover le clocher, c’est qu’ils sont écrasés d’impôts et “tellement surchargés de taille que cela leur a osté le moyen de pouvoir faire accommoder le clocher de l’église”. En 1684 il n’est plus possible de reculer car le clocher “qui est tout ruiné menace d’une ruine entière” et on craint son effondrement sur la voûte.
L’état des lieux
Nicolas Godivel, “juge chastelain de la ville de Besse” [juge de la châtellenie de Besse], se transporte derechef à Compains, escorté de son greffier. Monté dans le clocher pour examiner les dégâts, Godivel constate l’urgence de la situation : “tout le bois et charpenterye autant dedans que dehors meme les batardeaux du couvert sont entièrement pourris”
et menacent la voûte de l’église si le clocher s’écroule. Le procès-verbal de l’état du clocher est dressé sous la conduite de Jean Fournier, un maître charpentier venu de Montaigut-le-Blanc.
L’impôt pour financer les travaux
Les faibles revenus de la luminerie de la paroisse ne pouvaient suffire qu’aux menues réparations. Pour financer les gros travaux, on vivait dans l’espoir souvent déçu que des fidèles feraient un don conséquent, par exemple dans leur testament. Le plus souvent, il fallait cependant recourir à un impôt exceptionnel prélevé sur les habitants, une procédure lourde et très formalisée, mais qui présentait cependant l’avantage de taxer chacun selon ses moyens.
On fit d’abord appel à Louis-Jules de Malon de Bercy, intendant de la province d’Auvergne. Après délibération des compainteyres, une supplique lui fut adressée le 19 septembre 1683 pour solliciter la levée d’un impôt exceptionnel sur les habitants de la paroisse. On apprend à cette occasion que, passé par Compains en visitant sa province, l’intendant avait pu constater par lui-même la ruine du clocher de Saint-Georges.
Une nouvelle supplique est envoyée en 1684 à l’intendant Urbain Le Goux de La Berchère qui a succédé à Malon. Les travaux sont urgents mais les paroissiens se déclarent “dans l’impossibilité de les pouvoir faire sans une imposition, soit a cause de leur grande pauvreté, soit parce que la gresle et les ruines des eaux ne leur ont rien laissé l’année présente”.
Le montant des travaux est discuté entre les villageois, le curé Gabriel de Chazelles et le charpentier, Jean Fournier. On tombe d’accord pour la somme de 900 livres, à charge pour le charpentier de fournir “tout le bois, clous et autres choses necessaires” et de se nourrir à ses frais. De leur côté, les paroissiens feront venir le bois de charpente “a leurs frais et depens”. Le procès verbal de Godivel est envoyé à l’intendant qui donnera suite. Munis de l’autorisation royale, les compainteyres vont donc faire leur devoir et “s’auto-imposer” au proprata des revenus de chacun. Finalement, les travaux couteront 1200 livres, somme qui couvrira le transport des matériaux et les travaux.
Qui doit payer ?
Les gros décimateurs de la paroisse participèrent-ils financièrement aux travaux ? Les textes sont muets sur le sujet, mais on peut envisager que certains apportèrent leur obole. Les travaux furent sans doute bien exécutés car en 1700, lors de la visite pastorale de François Bochart de Saron évêque de Clermont, l’église est décrite en bon état, si l’on excepte deux fenêtres restées sans grilles au bas de la nef, désordre auquel l’évêque ordonne qu’il devra être remédié dans les trois mois.
Nouvelles dispositions à la fin du siècle
Un édit royal qui vient réglementer les travaux aux églises en 1695 prévoit un partage du coût des travaux entre les différentes strates de la population. Il stipule qu’il incombera dorénavant aux bénéficiaires de la dîme (curé, nobles et bourgeois de la paroisse) d’entretenir le chœur de l’église. L’édit laissait aux habitants la charge d’entretenir la nef, la clôture du cimetière et le presbytère.
AU XVIIIe SIÈCLE
Dons des paroissiens à l’église Saint-Georges
Quelque soit leur niveau de vie, certains paroissiens faisaient des dons à l’église dans leurs testaments. Ainsi Antoinette Espinoux des Yverras donne-t-elle en 1710 par testament 30 livres à employer aux réparations de l’église. En 1743, c’est Jean-Baptiste de Douhet, seigneur de Bouscatel qui, voulant être enterré dans l’église de Compains donne à son tour 10 livres pour effectuer des réparations à l’édifice. Quelques jours avant sa mort, Pierre Besson “dicte de sa propre bouche” un codicille à son testament dans lequel il entend qu’immédiatement après son décès, il soit payé à la marguillerie de Compains la somme de 40 livres à employer aux réparations et à la décoration de l’église paroissiale. De tels dons ne pouvaient contribuer à financer de gros travaux et heureusement pour le patrimoine bâti religieux, certains dons étaient beaucoup plus conséquents.
La généreuse donation du couple Jean Morin-Louise de Laizer
Sans enfants, Jean Morin, lieutenant en la justice de Compains et son épouse Louise de Laizer, fille de Jean de Laizer, font en 1712 un leg très conséquent à l’église. Profitant de l’absence de son frère Pierre Morin, notaire à Compains, Jean Morin teste en juillet 1711, imité par sa femme l’année suivante. A un an d’intervalle, tous deux font rédiger leur testament par le curé Breulh assisté du prêtre Blaise Champeix et en présence de témoins. Jean Morin lègue d’abord 132 livres pour acquitter les reinages que sa femme et lui devaient à l’église et à la chapelle de Brion. Quatre vingts livres seront employées en messes. Il laisse à sa veuve l’usufruit de leur maison d’habitation tant qu’elle restera veuve, à charge pour elle quand elle mourra de la léguer à l’Eglise pour financer la réparation de Saint-Georges et faire redorer le tabernacle. Représentative des maisons les mieux équipées de Compains, l’habitation comprend deux chambres, un four, une étable, une grange, un jardin et une basse-cour. Au cas où Louise convolerait en secondes noces, les marguilliers de la paroisse lui devraient 80 livres, mais elle perdrait ses droits sur l’habitation. Ce testament de Jean Morin fut prestement envoyé à Besse “faute de notaire n’y ayant point dans le lieu Pierre Morin son frère”, notaire.
Un an plus tard vient le tour de Louise de Laizer qui teste et meurt en juillet 1712 après avoir ratifié le leg de son mari. L’église peut ainsi hériter de la maison et la marguillerie de la paroisse se voit dotée de 21 aulnes de toile fine “pour estre employé a faire des aubes”. De nouveau rédigé en l’absence du notaire, le testament de Louise est à son tour envoyé à Besse. A deux reprises, le couple avait donc attendu l’absence de Pierre Morin pour faire rédiger son testament, sans doute pour éviter des pressions tendant à priver l’Eglise du don que les testateurs voulaient lui faire. L’importance de ce don pourrait expliquer que l’évêque Jean-Baptiste Massillon en visite pastorale à Compains en 1727 puis en 1735, ait déclaré Saint-Georges “en état”.
Le leg de Michel Guérin : une vengeance posthume ?
Alors qu’il est “en service” chez Jean Morin-Nabeyrat, un gros laboureur de la paroisse, un journalier peu accommodé de Compains, Michel Guérin, teste en 1733. Il meurt sans avoir touché les gages que son employeur lui doit depuis des années et sans que l’argent prêté sans trace écrite à plusieurs compainteyres lui ait été remboursé. Sorte de vengeance posthume, dans son testament, Michel Guérin lègue à l’Eglise le soin de récupérer les sommes à lui dues. Ce sera donc au curé de recouvrer le montant des salaires impayés et des prêts consentis par Michel Guérin.
La “maison presbytérale en état de détresse”
Mal situé au sud de l’église trois mètres en contrebas du cimetière qu’il jouxtait, le presbytère était au XVIIe siècle un bâtiment insalubre et il le restera longtemps puisque ce n’est qu’au XIXe siècle – et après bien des palabres – qu’on construira le nouveau presbytère, une vaste bâtisse qu’on peut voir aujourd’hui face à la porte nord de l’église.
Le procès-verbal de Jean-Baptiste Massillon en 1727 avait déclaré le presbytère en état. Le constat sera tout autre deux ans après la mort du curé Jean Breulh (1740) qui avait pendant quarante ans pris plus soin des âmes de la paroisse que de son presbytère. Mort trop rapidement, François de La Gardette, successeur de Jean Breulh n’avait pu entreprendre aucune rénovation. Les travaux interviendront durant le ministère de Martin Ligier leur successeur et une fois encore, c’est l’impôt payé par les paroissiens qui financera les travaux.
Après une ordonnance rendue par le lieutenant de justice de Compains, l’assemblée générale des habitants venus de tous les villages de la commune se réunit à l’issue de la grand-messe paroissiale, en présence des consuls, des luminiers chargés d’administrer les biens de la paroisse et du procureur d’office. Tous sont “amiablement assistés” par deux experts : un maître-maçon de la Creuse et Pierre Morin, maître charpentier de Compains. Reflet de la spécialisation des régions, on remarquera que, comme souvent, c’est dans la Creuse qu’on était allé chercher le maçon.
Le curé vit dans un logement insalubre
Le procès-verbal établi par le notaire montre une maison curiale “en état de détresse”. Selon le maçon, l’état du presbytère est plus que préoccupant : la cheminée du curé est détruite et une muraille (un mur) menace ruine. Le charpentier observe pour sa part que toutes les portes et planchers sont à moitié pourris et que l’escalier, devenu dangereux, a besoin d’être refait. Seul le “couvert a paille” de la toiture se révèle “assez passable”. Sans doute les réparations décidées furent-elles réalisées a minima car, dès 1760, se profile une nouvelle campagne de réparations dont le financement est bien connu grâce au rôle d’imposition des compainteyres retrouvé.
Qui est imposé ?
La somme nécessaire pour les travaux du presbytère, (647 livres), doit être levée sur les compainteyres taillables et non privilégiés. Toujours établie par un membre de la famille Godivel, la liste des taillables comprend 229 familles et fermiers de domaines qui paieront suivant les revenus procurés par leurs biens propres. Le curé Pierre Besson qui touche une partie des dîmes paiera le quart de la dépense, soit 161 livres, le vicaire Serre “attendu que son revenu n’étant pas de 200 livres est exempt de ladite imposition”, de même que Breulh le chapelain de Brion, pour la même raison. La “dame de Brion” ne paie rien pour la directe de sa seigneurie, mais les fermiers des nobles seront taxés pour les terres qu’ils exploitent pour leurs seigneurs respectifs. Seules une famille pauvre et une veuve sans ressources sont exemptées. Chaque habitant taillable déboursera un peu plus de 5% du montant de la taille qu’il paie au roi.
Le rôle de la paroisse indique quels sont les nobles et les religieux qui, en 1760, “possèdent des fonds et héritages dans la paroisse”: le comte de Brion, Jean-Charles de Laizer, “seigneur du lieu et de quelques villages de la paroisse”, le marquis d’Yolet “seigneur de quelques villages”, le seigneur de saint-Hérent “seigneur de quelques autres villages”, le marquis de Crusol (qui a succédé aux Saint-Nectaire) est seigneur du village de Marsol, l’abbé Dufour “seigneur du village d’Escouailloux”, le chapitre de Saint-Chamand “seigneur des villages de Chandelières et Groslier” et les héritiers de feu monsieur de la Bastide (Morin du Cros) “propriétaires d’un domaine à Redondel qu’ils font valoir par valets”. Ce sont donc six familles nobles et un chapitre de religieux qui, avec le curé et les habitants, participeront à la rénovation du presbytère.
Quand François de Bonal évêque de Clermont visite Compains en 1782 en présence du curé Guillaume Jamot et de son vicaire Antoine Gély, l’église est en état et seul son pavement a besoin d’être rénové.
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L’entretien du patrimoine religieux durant la Révolution et au XIXe siècle
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