– Jean-Baptiste de Laizer – Louise de Miremont
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Jean-baptiste de Laizer (1704-1734), seigneur de Brion de 1722 à 1734, épouse
Louise de Miremont (1708-1792), dame de Compains de 1734 à v. 1753
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Jean-Baptiste de Laizer eut pour parrain son oncle homonyme Jean-Baptiste de Laizer, seigneur de Siougeat qui fit une prestigieuse carrière dans les armées du roi de France.
Pour éviter les ambiguïtés liées à l’homonymie, nous nommerons ci-après cet oncle Jean-Baptiste de Laizer-Siougeat. Nous le verrons intercéder à plusieurs reprises auprès de l’intendant pour soutenir son neveu et sa nièce par alliance, Louise de Miremont.
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Vivre en endurant les “incommodités du temps”
La décennie qui suivit la mort de François de Laizer, peu prospère en montagne, précède la grande misère des années 1739-1740 dont nous parlerons dans un chapitre ultérieur.
- 1720-1734 – Des années difficiles en montagne
Durant la décennie pendant laquelle Jean-Baptiste est seigneur de Compains, chaque année amène son lot de calamités. Les années 1720-1730 sont marquées par la sous-production agricole. De grandes pluies ruinent les récoltes en 1725 et provoquent une crise alimentaire les deux années suivantes. On redoute une nouvelle famine après que “les bleds ont totalement manqué dans la montagne” en 1726. Les usurpations de communaux se multiplient pour tenter de limiter le manque à gagner. On défriche les communaux au point qu’en 1732 les curés de la subdélégation de Bort (Bort-les-Orgues), furent tenus de rappeler au prône une ordonnance de 1668 qui enjoignait aux défricheurs de renoncer aux lopins qu’ils détenaient illégalement. Les bestiaux ne sont pas épargnés. Après les grandes épizooties de 1714, les maladies des bestiaux font à nouveau leur apparition. La sécheresse succède à l’humidité en 1731 et on sait qu’on manquera de fourrage pour hiverner les troupeaux. A Compains, on émigre l’hiver pour aller chercher dans les “provinces étrangères” le complément de revenu que la terre procure insuffisamment.
- Au Valbeleix
Compains n’était évidemment pas une exception. Madame de Crussol, après avoir donné à ses enfants la seigneurie du Valbeleix en 1733, exprimait à l’intendant Trudaine sa compassion pour les habitants : “je vous demande monsieur, un peu de bonté pour les habitants de ces terres [la seigneurie du Valbeleix dont relevait Marsol], et un peu d’égard dans la suite pour leur misère qui est bien grande”. Que pouvaient signifier cette “bonté” et ces “égards” demandés à l’intendant à l’attention des paysans ? Compte tenu des difficultés de toutes sortes qui assaillaient les ruraux, il ne peut s’agir que d’une demande de réduction d’impôts au profit des habitants. Payer moins d’impôts au roi, c’était aussi payer plus facilement l’impôt seigneurial.
C’est dans ce contexte difficile que “Jean de Lezer”, [Jean-Baptiste de Laizer], nouveau seigneur de Compains, voit le jour à Chidrac le 9 mars 1704.
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Naissance de Jean-Baptiste de Laizer
Le fils de François de Laizer et Thérèse-Philippine de Becket, est dit dans son acte de baptême du 12 mars 1704 “fils légitime a monsieur François de Lezer, capitaine dans le régiment lyonois et a dame Térèze Philippine de Becket sa femme”. Son parrain est son oncle, Jean-Baptiste de Laizer, seigneur de Siougeat. Officier dans les armées du roi, lieutenant général des armées (équivalent aujourd’hui à général de division), le parrain sera nommé gouverneur de la place forte de Thionville le 3 avril 1734. Il mourra en 1743 dans sa 76e année après une glorieuse carrière militaire au cours de laquelle il fit plus de vingt campagnes ou sièges durant 54 ans de service.
Absent le jour du baptême car sans doute retenu aux armées, le parrain est remplacé par Jean Drugeau. La marraine, Cornille-Ysabelle Becket de Ruintolz, elle aussi absente, est remplacée par Antoinette Grossier. Aucun de ces deux substituts n’ayant su signer, on peut penser qu’on a fait appel à des serviteurs.
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Une famille nombreuse et peu fortunée
Les aînés comme les cadets des Laizer étaient souvent dotés d’une progéniture nombreuse – et pas toujours légitime – comme en atteste à plusieurs reprises un curé dans les registres paroissiaux. Traditionnellement, on casait les uns dans l’armée et on orientait les autres vers une carrière ecclésiastique. Chaque génération occupait des emplois militaires, bien qu’entrer au service du roi pour embrasser la carrière des armes coûtât cher. Certains cadets pouvaient tenter de redorer leur blason en épousant soit dans la noblesse de robe, soit une roturière fortunée, solution plus rare pour l’aîné qui, en principe, épousait dans la noblesse. Quant aux filles, difficilement mariables faute de dot suffisante, on a déjà vu qu’on les destinait à un notable local ou au couvent, choix moins onéreux que le mariage.
Lors de la prise en main de la seigneurie de Brion par Jean-Baptiste de Laizer en 1722, la situation financière de la famille est compliquée. Quand un trop grand nombre d’enfants pesait sur les biens familiaux, il était courant que certains cadets nobles se trouvent réduits à l’état de gentilhomme campagnard pauvre, des hobereaux peu différents de leurs paysans les plus aisés. Ainsi voit-on le subdélégué de l’intendant à Besse déclarer au sujet du seigneur de la Roche, petit noble possessionné dans l’Entraigues dans le quart sud-ouest de Compains, il “n’est pas fort commode [pas riche] et chargé d’une grosse famille”.
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Le recours à l’intendant
- L’intendant, couteau suisse des auvergnats
Représentant du roi en Auvergne, l’intendant jouait un rôle tutélaire dans la province, pour l’aristocrate comme pour le paysan. Œil de Versailles dans la province, il était considéré par la population comme un protecteur qui pouvait lever les obstacles qu’on ne savait éviter. C’est lui qu’on sollicitait en dernier recours pour aplanir une difficulté. Parmi les commissions royales de justice, police, impôts et bien d’autres missions données à l’intendant, il s’en trouvait une particulièrement prisée des auvergnats. Le roi demandait à l’intendant, d’ “entendre les plaintes de nos sujets”. Vaste programme pour lequel l’intendant ne dut jamais manquer d’ouvrage. Quelle que soit l’origine sociale, on n’hésitait donc pas à s’adresser à l’intendant, qu’on veuille solliciter une faveur (remise d’impôt), recommander quelqu’un ou sortir d’une situation bloquée, comme par exemple tenter d’éloigner un habitant considéré comme nuisible à la communauté paysanne ainsi qu’on l’observera plus tard à Compains.
- A Compains : seigneur et paysans font appel à l’intendant
Les demandes des sujets du roi étaient parfois cocasses, parfois même impudentes quand, ignorant l’intérêt général au profit de son intérêt particulier, l’épouse d’un Laizer en appela un jour à l’intendant pour que son palefrenier soit exempté de service dans la milice ! Dans un registre moins abusif, l’oncle Laizer-Siougeat va user de l’influence que lui donne sa position dans l’armée pour solliciter à plusieurs reprises l’intendant au profit de sa famille. Pour leur part, on verra que les paysans de Compains n’hésiteront pas, eux aussi, à recourir à l’intendant en lui adressant des suppliques pour qu’il dénoue des situations compliquées ou qu’ils estiment injustes.
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Jean-Baptiste épouse Louise de Miremont
- L’intendant sollicité pour favoriser le mariage
Venu le moment de se marier, Jean-Baptiste avait jeté son dévolu sur Louise de Miremont, une jeune noble, unique héritière de ses parents. Pour favoriser ce mariage, l’oncle Laizer-Siougeat intervient en 1731 auprès de l’intendant pour que celui-ci use de son ascendant en faveur de l’alliance projetée entre son neveu et Louise de Miremont. Ne disait-on pas que la mère de la future, qui avait sans doute un autre parti en vue pour sa fille, manifestait quelques réticences.
- Les conditions de l’alliance
Louise était la fille unique de Louis de Miremont, en particulier seigneur de Védrines et La Chapelle-Laurent dans le Cantal. Il avait épousé le 12 août 1706 Louise Arnauld de Lespinasse, dame de Chabannes et de Couteuges. Les parents de Louise vivaient à neuf kilomètres de Massiac, dans leur seigneurie et château du Fayet, lieu-dit de la paroisse de La Chapelle-Laurent. Devenue veuve, Louise Arnauld de Lespinasse sera tutrice de sa fille Louise, future dame de Brion.
Fille unique, Louise bénéficie des biens de sa famille. Son contrat de mariage du 29 octobre 1733 stipule qu’elle institue son fils propriétaire et seigneur des terres de La Chapelle-Laurent, Chabannes, En Val, Ouzy et enfin Le Fayet et son château. Les biens des Miremont tomberont donc dans l’escarcelle du premier enfant à naître, ce sera Jean-Charles de Laizer.
- Mort prématurée du seigneur de Compains
Le mariage sera éphémère et les chaos de la vie ne tardent pas à rendre veuve Louise de Miremont. Mort à trente ans quelques mois après son mariage, “Jean de Lezer, comte de Brion, seigneur de Compaing” n’aura pas la possibilité de voir naître Jean-Charles, son héritier. Inhumé le 25 juillet 1734, il repose sur les terres de Louise de Miremont à La Chapelle-Laurent, à la droite du chœur de l’église Notre Dame de l’Assomption. Louise ne se remariera pas et élèvera seule son fils Jean-Charles jusqu’à ce qu’il épouse en 1753 Louise d’Espinchal.
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L’enquête royale sur les “facultés” des nobles
Le roi avait diligenté en 1725 une enquête sur le nombre et les “facultés” des nobles et privilégiés de chaque paroisse qui jouissaient de l’exemption de la taille. L’intendant d’Auvergne intima donc à Jean-François Besseyre, son subdélégué à Besse, de faire établir par les consuls des paroisses un état des revenus des nobles et privilégiés. Ceux-ci répondirent à l’enquête en se fondant sur l’impôt du dixième créé en 1710 après les récoltes catastrophiques de 1709 consécutives au grand hiver polaire qui avait ruiné les cultures. D’abord provisoire, puis permanent, le dixième devait être payé par tous sur les biens fonciers et immobiliers. L’Église ne tardera pas à s’en exonérer en faisant à l’État un “don gratuit”. Les revenus ne reposaient pas sur la déclaration des revenus par le contribuable, mais sur l’estimation des “facultés” des imposables.
L’enquête de 1725 montre que l’Auvergne comptait alors 400 familles nobles et 630 gentilshommes, dont 95 dans l’élection d’Issoire à laquelle appartenaient les Laizer. Près de la moitié des familles nobles d’Auvergne n’avaient que 1000 livres de revenu et souvent beaucoup moins, alors que 51 familles bénéficiaient de 2000 à 4000 livres annuelles. Seule une petite minorité – 12 familles dont les Laizer – bénéficiait de plus de 4000 livres de revenus, un montant qu’on ne sait s’il faut l’entendre “tout compris”. En tous cas, les résultats de l’enquête soulevèrent la méfiance du subdélégué de Riom qui écrivait : “il n’y a rien de plus équivoque que ce qu’on entend dire tous les jours sur les facultés de chacun, je n’oseray assurer que l’idée qu’on m’en a donnée soit juste”, [cité par Abel Poitrineau]. Une réflexion qu’on peut sans doute appliquer aux résultats fournis par les consuls de Compains.
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Les “facultés” des Laizer dans les enquêtes de 1725 et 1733
– En 1725
On ne peut qu’effleurer les revenus des Laizer tels qu’appréhendés par les consuls de la paroisse dans l’enquête de 1725. L’ordre de grandeur fourni au subdélégué de Besse estimait que les “sieurs de Brion”, exemptés du paiement de la taille royale, bénéficiaient de 4000 à 5000 livres de revenu. Ce chiffre flou n’incluait pas – peut-on penser – les 2000 livres réversibles aux descendants de François de Laizer que le roi lui versa après sa blessure à Denain, pas plus que les revenus des terres situées dans d’autres paroisses, à Chidrac et alentour notamment. L’enquête ajoute que l’ex “dame de Compains”, Philippine de Becket, veuve de François de Laizer, était censée jouir pour sa part de 1500 livres de rente. A titre de comparaison, on se souviendra que, selon Jehan de Vernyes au XVIe siècle, puis selon l’intendant d’Auvergne au siècle suivant, l’ensemble des revenus des Montmorin-Saint-Hérem anciens seigneurs de Compains, était réputé monter à 30 000 livres. Il est vrai qu’ils jouissaient d’une position sociale bien plus élevée que les Laizer.
L’enquête déplore les exemptions fiscales dont bénéficient les nobles et les privilégiés et la surcharge fiscale que représentent les domaines exemptés d’impôt pour une population paysanne qui ne détient que de petites parcelles, dispersées et peu productives.
- “Le comte de Brion possède à Malsagne un domaine qui ne paie pas la taille a cause de son privilège de gentilhomme. Ce domaine pourrait payer 50 livres du principal de la taille qui sont en surcharge aux contribuables aux roles de la parroisse”.
– Dans l’État des privilégiés de 1733
- “Le comte de Brion jouit de deux domaines dont l’un [Malsagne] laboure a deux paires de bœufs et hiverne 30 vaches. Ce domaine est exploité par des valets mariés et taillables en leur nom mais qui ne sont pas imposés pour le domaine”.
- “L’autre domaine ne consiste qu’en acense de foin pour la somme de 300 [livres] environ”.
Tenté de relativiser les revenus des Laizer, le subdélégué remarque : “il y a beaucoup d’enfants et leurs affaires ne sont pas rangées”. Autrement dit, leurs finances sont obérées par un grand nombre d’enfants qu’il reste à légitimer ou à établir, sans compter qu’il traîne sûrement quelques dettes. Cette délicate situation financière sera bientôt corroborée par les écrits de l’oncle Laizer-Siougeat qui évoquera le contexte familial confus qui règne après le décès de Jean-Baptiste de Laizer.
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Comment échapper à l’impôt
- Les exemptions fiscales
L’enveloppe de l’impôt était fixée globalement par paroisse, “le fort portant le faible”. Les exemptions fiscales dont bénéficiaient les nobles rejetaient sur la communauté rurale la charge de payer l’impôt royal. Quand Jean-Baptiste de Laizer devient seigneur de Brion en 1722, la noblesse est assujettie à la capitation et au dixième mais elle ne paie pas la taille royale et profite d’exonérations diverses dont certaines liées, par exemple, à la possession de haras, ou, on l’a déjà évoqué, de domaines.
- Détenir un haras
On guerroyait, on chassait et on se déplaçait à cheval au point que Colbert avait naguère été chargé par Louis XIV de faire améliorer la race chevaline. On multiplia donc les haras. Malheureusement pour les paysans, celui qui détenait un haras bénéficiait d’une exonération fiscale. Des privilèges étaient en outre accordés aux garde-étalons qu’on exemptait du guet, des corvées de routes et du logement des gens de guerre. Il semblerait – selon une source de seconde main qui n’a pu être croisée – que “le comte de Brion avait à Compains […] un haras de 15 jumens d’Auvergne avec un étalon du Roy”. Le marquis d’Yolet seigneur d’Entraygues cumulait lui aussi les exemptions liées tant à ses domaines qu’à son haras. Aussi les consuls de Compains déploraient-ils que “François de Malras, marquis d’Yolet, résidant a Auteyras, jouit de deux domaines au hameau de Graffaudeix qui pourraient payer chacun 100 livres du principal de la taille et n’en paient point a cause du hara qu’il a à Entraygues, qui tombe en surcharge de ladite paroisse”. Dans le cadre de la réorganisation des haras intervenue en 1725, le haras d’Yolet fut supprimé, ce qui mit fin à son privilège.
- Détenir un domaine
Les seize domaines qu’on trouvait à Compains en 1740 étaient pour la plupart placés sur les vastes espaces des pourtours ouest et sud de la paroisse, à l’exception des deux domaines du seigneur de Brion. La plupart des propriétaires étaient des étrangers à la paroisse, des non résidents qui ne payaient pas la taille. Si chaque propriétaire avait été taxé pour son domaine, cela aurait diminué d’autant la charge contributive qui pesait sur la communauté paroissiale.
La fiscalité n’était pas seule en cause. La transformation d’un tènement en domaine posait de nouveaux problèmes d’organisation aux paysans du voisinage qui se trouvaient brusquement exclus de leurs zones de parcours habituelles. Se trouver privé des sources qui abreuvaient les animaux et des chemins qui se trouvaient privatisés au profit des tenanciers du domaine, obligeait les paysans à revoir leur organisation. Il fallait mettre sur pied de nouvelles razes, trouver de nouveaux moyens d’abreuver leur bétail et se dérouter vers d’autres chemins qui rallongeaient les déplacements (voir le chapitre consacré aux Domaines).
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Prélever l’impôt : les risques du métier
L’intendant jugeait en dernier recours des requêtes en modération d’impôts. Dès lors, il était assailli de réclamations de la part des familles, jusqu’aux plus aisées. Madame de La Rochefoucauld, duchesse d’Anville, écrivait à l’intendant en ces termes : “il est bien triste Monsieur, pour des gens de notre condition, d’être exposés aux caprices des employés du fisc”. La duchesse tenait – entre autres – près de Brion les seigneuries du Luguet, d’Anzat, de Saint-Alyre-ès-Montagne et d’Aubijoux. Pour éconduire les solliciteurs, l’intendant avait heureusement la ressource de pouvoir s’abriter derrière les injonctions royales transmises depuis Versailles par le contrôleur général.
- A Graffaudeix, sur les terres du marquis d’Yolet, seigneur d’Entraigues
La perception des impôts était un sujet sensible qui pouvait générer chez les contribuables des “émotions” plus dangereuses que les jérémiades de madame de La Rochefoucauld. Recouvrer les impôts n’était pas une sinécure dans des montagnes isolées, misérables, et réputées – parfois à juste raison – réfractaires aux obligations. Bien au courant des réalités du terrain, l’intendant,qualifiait Compains de “paroisse revêche” qui “s’est toujours distinguée par ses rebellions”, surtout quand il s’agissait de prélèvements considérés abusifs par les contribuables.
Commis à la perception des tailles, Lasteyras s’y était trouvé en 1738 en butte à la vindicte de plusieurs habitants du hameau de Graffaudeix, un village particulièrement réputé pour son caractère “rebelle”. C’est dans ce hameau du sud de la paroisse de Compains que le laboureur Antoine Tartière n’avait pas hésité à porter plainte contre le percepteur Lasteyras et ses deux commis venus récupérer l’impôt royal resté impayé. Faute de paiement, les percepteurs avaient saisi six vaches dans l’écurie des métayers du marquis d’Yolet. Confronté à l’hostilité des paysans, Lasteyras avait dû sortir son pistolet et son épée pour les menacer. La marquise d’Yolet soutint ses paysans et tenta vainement de faire pression sur l’intendant. Finalement, les vaches furent vendues et un exploit de rébellion fut dressé contre les métayers dont l’un se retrouva en prison à Besse.
- Le rôle d’impôts de 1735 égaré dans la nature
Pour gérer la seigneurie, Ligier Morin, représentant à Compains de la comtesse de Brion, pouvait s’appuyer sur le juge châtelain, souvent choisi à Besse, le procureur d’office, son adjoint le lieutenant et des sergents. C’est justement un sergent, encore un Morin, qui en 1735, égare le rôle d’impôts de la paroisse qu’il devait acheminer au receveur des impôts à Ardes. Le rôle lui avait été confié par un des consuls de Compains qui avait préféré aller vendre des bestiaux à la foire plutôt que d’accompagner le sergent pour convoyer le rôle. Le consul, un Verdier de Marsol était “une vraie brute” selon Jean-François Besseyre, subdélégué de Besse que cette affaire plonge dans un “abime de ténèbres”. Une opacité qu’à notre connaissance il ne parvint jamais à dissiper.
Pour Besseyre, le sergent Morin, vu sa profession, avait toujours semblé être un honnête homme. Malheureusement pour lui, Morin affirmait avoir porté le rôle à Ardes par un très mauvais temps et, circonstance aggravante, en revenant de la foire. Toujours selon le subdélégué, le sergent faisait partie de “ces gens là [qui] n’ont pas coutume des revenir des foires a jun [jeun], mais au contraire”. Et il n’hésitait pas à affirmer qu’“un effet du vin peut etre la cause de la perte du role”. L’affaire, s’afflige le subdélégué, “me parait triste parce qu’elle va ruiner le consul et le sergent”. Perdre un rôle d’impôt était une faute aussi énorme qu’improbable qui ne pouvait rester impunie. Il fallut informer l’intendant Rossignol et De Mailbet, le receveur des impôts. En guise de châtiment, le sergent fut condamné à la prison et on installa “quatre garnisons” chez le consul fautif. C’est à dire qu’à titre de sanction, le consul vit s’installer chez lui quatre soldats qu’il dut loger et nourrir à ses frais pendant le temps de sa punition. Pour des paysans qui vivaient chichement, la charge était lourde.
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L’excès des prélèvements fiscaux : une des causes de l’émigration des compainteyres
De l’intendant de la province aux administrateurs locaux, tous déplorent le poids d’une fiscalité royale trop lourde qui surcharge les paysans. La fiscalité excessive figure en bonne place parmi les causes qui motivent le croît de l’émigration hivernale dont le maigre produit, ramené dans la paroisse au printemps après un hiver industrieux, permettait seul de payer la charge fiscale.
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LA RÉGENCE de LOUISE de MIREMONT à COMPAINS
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Naissance de Jean-Charles, enfant posthume
Quelques mois après la mort prématurée de son père, Jean-Charles de Laizer est baptisé le 10 octobre 1734 à Chidrac. Son parrain est son grand-oncle, Jean-baptiste de Laizer-Siougeat, absent lors du baptême. La marraine, Angélique de Beaufort-Canillac, veuve de Hugues de Laizer, est l’une des tantes du nouveau-né. En l’absence du parrain, le registre paroissial est signé par procuration par un autre oncle de l’enfant, dit dans l’acte “Charles de Chaumiane de Laizer”. Devenue cheffe de famille, Louise devient à 22 ans la tutrice de son fils dont elle va devoir gérer les biens.
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Jean-Baptiste de Laizer-Siougeat fait à nouveau appel à l’intendant
Après avoir soutenu auprès de l’intendant Trudaine la candidature de Jean-Baptiste quand il aspirait à épouser Louise de Miremont, l’oncle du défunt veut cette fois intervenir auprès de l’intendant Rossignol pour qu’il assiste Louise de Miremont. Pris de compassion pour cette jeune mère qui se retrouve seule et désemparée au sein d’une famille où beaucoup sont désargentés, Jean-Baptiste de Laizer-Siougeat va monter au créneau pour soutenir la veuve de son neveu et attirer l’attention de l’intendant sur, selon ses dires, cette “misérable famille”.
Quelques mois après la disparition de son neveu, Siougeat écrit donc en 1735 à Bonaventure Rossignol. Dans sa missive, il revient sur la mort du seigneur de Brion qui laisse Louise de Miremont “veuve très jeune qui est accouchée d’un enfant posthume quelques mois après la mort de son mari”. Il sollicite la protection de l’intendant pour sa nièce “isolée et désolée” qui reste “accablée de nombre de beaux-frères et de belles-sœurs qui sont nés sans un écu de bien et quantité de mauvaises affaires qui sont la suite ordinaire qu’entraine la mort des chefs de famille”. Dans l’hypothèse où elles concerneraient la seigneurie de Brion, on aimerait connaître le fin mot de ces “mauvaises affaires” qui nous échappent pour le moment. Dans sa réponse, l’intendant assure à l’oncle que, si Louise s’adresse à lui, il prendra en considération sa situation. Le sieur de Siougeat ne sera pas le seul à se montrer compatissant envers la jeune veuve. Entrées en religion, deux des belles-sœurs de Louise de Miremont, Louise de Laizer et sa sœur Antoinette de Laizer, couchent Louise sur leur testament et font d’elle leur héritière.
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Le prêtre Ligier Morin nommé tuteur honoraire de Jean-Charles
- Le prêtre, un auxiliaire du seigneur
Il était coutumier d’utiliser les services d’un prêtre, gage d’honorabilité et de connaissance du terrain, pour administrer une seigneurie. François de Laizer était lui aussi passé par le truchement d’un religieux pour tenter d’amadouer les brionnais et on se souvient qu’en 1551, François de Montmorin-Saint-Hérem, alors seigneur de Brion, se faisait représenter devant les paysans par “vénérable personne Pierre Nabeyrat, prêtre, curé du Cros près de lanobre […] receveur dudit seigneur à Brion et Chaumiane”. La famille Morin-Nabeyrat sera rencontrée à Compains au moins durant trois siècles et sans doute davantage si on fait l’hypothèse qu’à la longue le nom Nabeyrat cessa d’être accolé à celui de Morin. Les Morin-Nabeyrat sont agents seigneuriaux, ecclésiastiques, gros laboureurs ou marchands prospères. Ainsi voit-on le comte de Brion assister en 1727 à la rédaction du contrat de mariage du fils de Pierre Morin-Nabeyrat, marchand aisé de Marsol.
- Un ecclésiastique administre la seigneurie au nom de Louise de Miremont
Quelques mois après la mort du comte, Louise de Miremont nomme en décembre 1734 le prêtre Ligier Morin tuteur honoraire de son fils Jean-Charles. Moyennant ce titre honorifique et une pension viagère de 500 livres constituée par Louise, Ligier Morin représentera la comtesse face à la communauté rurale de Compains. Bien avisé, ce choix contribua vraisemblablement à pacifier les relations avec les paysans. Dès décembre,1734, Ligier Morin “ageant de madame la comtesse de Brion” se consacre au renouvellement des baux des paysans, donne quittance des droits de lods et vente ou loue les cabanes du foirail. En 1740 par exemple, c’est à Michel Bohaud et Claude Babut, deux voituriers de Besse que Ligier Morin afferme le péage des foires sur trois chemins : celui du Joran, celui de Compains et sur un troisième chemin venu de Jassy, (com. Saint-Alyre-ès-Montagne). Bohaut et Babut en percevront les droits durant quatre ans commençant le 25 avril à la Saint-Urbain, le tout moyennant 51 livres annuelles.
Comme il le faisait les précédentes années, Ligier Morin renouvelle à Jacques Papon en 1748 le bail pour les “droits de pêche dans l’étendue de Monseigneur”. Papon était un laboureur du hameau d’Anglard dans la paroisse voisine de Saint-Anastaise. Quelle pouvait être cette “étendue” seigneuriale où il allait pouvoir pêcher ? La seigneurie comprenait deux plans d’eau, le Lac des Bordes et le Lac de Moncineyre. On pourrait penser qu’il s’agissait du lac des Bordes situé au pied de la Motte de Brion, mais, compte tenu de la domiciliation du preneur – Anglard est proche du Montcineyre – il pourrait plutôt s’agir du lac de Montcineyre. Comme toujours, le preneur avait des droits et des devoirs. Autorisé à pêcher “en bon père de famille” durant cinq ans commençant à la Saint-Jean, Jacques Papon devait payer annuellement à la comtesse 45 livres et lui fournir 60 livres de poisson, livrable à sa volonté, “pourvu que ledit lac soit disposé a être pêché”, autrement dit à condition que le lac ne soit pas gelé. Le poisson devait être porté à Chidrac, à une trentaine de kilomètres.
- Désescalade des conflits
Après les tensions répétées qui s’étaient succédées dans la seigneurie pendant près de soixante-dix ans, les divergences semblent donc s’apaiser après la mort de François de Laizer. Il est vrai qu’il avait fait le nécessaire peu avant sa disparition pour accaparer les terres qu’il convoitait (voir le chapitre Conflits autour des communaux), épargnant ainsi à son fils un nouveau conflit ouvert avec les brionnais. L’apaisement tient sans doute aussi au choix habile de Louise de Miremont qui a privilégié un ecclésiastique pour gérer la seigneurie et passer les baux en dépit des crises récurrentes – disettes, épizooties, récoltes de foin catastrophiques – qui ne cesseront de s’égrener pendant la régence de Louise, principalement autour des années 1738-1740 et 1750.
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Les meuniers du bourg doivent payer le cens en argent
Le numéraire était rare. Le besoin impérieux de liquidités conduisait la noblesse à convertir en argent les redevances qu’elle avait reçues pour partie en nature durant des siècles. En 1672 le cens du “moulin à meule” du bourg était payé au seigneur en nature par les meuniers Michel Sabatier et Jean Chabaud. En 1750, le cens de ce même moulin – soit cinq septiers “mesure brionnaise” – dut être payé totalement en argent par les successeurs des précédents, Pierre Sabatier et Jean Bergier.
Cette exigence seigneuriale exprimée par l’agent de la comtesse avait sans doute soulevé des réticences de la part des meuniers. Pour en tenir compte et faire consentir les meuniers à ce paiement en numéraire, le religieux avait dû trouver un compromis qu’on devine dans la formule employée par le notaire. Celui-ci crut bon de signaler dans la minute notariale que le seigneur – Louise de Miremont – “s’est restreint” à ne demander que 60 livres de redevance. Cette remarque du tabellion sous-entendrait que, s’ils avaient été perçus en nature, les cinq septiers auraient valu plus de 60 livres. Pour obtenir la totalité du paiement en numéraire et non en nature, le régisseur avait en contrepartie accepté de diminuer le montant du cens.
Rarissime dans les textes, l’allusion à une “mesure brionnaise” interroge. Au bourg de Compains on utilisait les mesures de Besse et à l’autre extrémité de la seigneurie, au hameau de Vauzelle, on utilisait les mesures de Vodable. On découvre donc ici qu’il existait dans la seigneurie une “mesure brionnaise”, survivance des anciens droits féodaux, dont on ne sait si elle était plus ou moins favorable aux compainteyres que les mesures de Besse.
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On recrute des miliciens : émeutes à Compains
Une circulaire royale du 17 décembre 1744 donnait pour directive aux intendants de préparer les esprits à une prochaine levée de la milice : “vous y feres aussi semer des bruits […] de la levée d’une future milice de deux hommes dans chaque paroisse”. Les petites communes devaient généralement fournir un ou deux miliciens aux armées royales. Très impopulaire, ce recrutement pouvait aller jusqu’à soulever contre l’autorité des émeutes que ne provoquait pas la misère. Les paroisses étaient en ébullition lors du recrutement des “miliciens provinciaux” et nombreux étaient ceux qui cherchaient une échappatoire en mettant en place des contre-mesures. Certains se cachaient, d’autres anticipaient leur départ en émigration, d’autres encore se mariaient précipitamment pour échapper à l’enrôlement.
Les raisons de l’absence pouvaient être plus acceptables quand c’étaient les intempéries qui avaient forcé les jeunes gens à hâter leur départ en émigration comme en ce mois de décembre 1726 où on écrit à l’intendant d’Auvergne : “il ne reste aucun garçon en estat de porter les armes cette année où les bleds ont totalement manqué dans la montagne, ce qui a obligé tous les habitants de ces paroisses a sortir de la province pour aller chercher a gagner leur vie dans le reste du royaume“. L’enrôlement dans la milice était honni, non seulement parce qu’il privait de bras l’agriculture, mais aussi parce qu’il pouvait priver une famille des revenus de l’émigration qui assuraient à la fois le paiement des impôts et la jointure du printemps en attendant la récolte.
A Compains, les recrutements de miliciens lors de la Guerre de Succession d’Autriche (17401748) soulevèrent la résistance des habitants et donnèrent même lieu en 1742 à des émeutes. La situation y nécessita le déplacement de la maréchaussée qui fut défrayée à cause des soulèvements (15 mai 1742). L’année suivante, la brigade de maréchaussée de Besse dut escorter à deux reprises le subdélégué Charles Godivel (4 et 23 septembre 1743), obligé de se rendre à Compains pour y rechercher des miliciens réfractaires. Un brigadier flanqué de quatre cavaliers dut s’employer pendant des heures à débusquer les récalcitrants à la conscription. Enfin retrouvés, Jean Tartière dit le laquais, de Graffaudeix, et Georges Eschavidre, laboureur de Compains, furent incarcérés dans la prison de Besse.
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L’affaire de la Montagne de Barbesèche
- Des paysans indisciplinés et divisés
Selon la coutume du pays, la Montagne de Barbesèche était indivise entre 27 coherbassiers du bourg qui en jouissaient au prorata de ce que chacun d’eux se trouvait avoir hiverné de bestiaux. En 1745, les paysans qui, à Barbesèche, ne respectaient pas un minimum d’organisation collective étaient devenus la cible de certains de leurs voisins. Quatre exploitants sur les 27, Morin, Blancher, Reynaud, Eschavidre, mécontents du mésusage de la montagne que faisaient les autres, avaient intenté un procès aux contrevenants devant le baillage de Montpensier à Aigueperse. Comme souvent, on s’avisa qu’il valait mieux éviter les frais d’un procès ruineux et une conciliation rapprocha les parties. C’est le procureur d’office Pierre Morin-Nabayrat qui s’entremit et non l’agent de Louise de Miremont.
- Élaboration d’un nouveau règlement
Après avoir nié leur responsabilité, les fauteurs de trouble finirent par reconnaître leur indiscipline et leur responsabilité dans la gestion anarchique des herbages. Les conditions des plaignants furent donc acceptées et le contentieux se régla à l’amiable comme suit :
– La montaison des bestiaux aurait dorénavant lieu pour tous le même jour, à date fixe, le 23 avril chaque année. Nul ne pourrait faire monter ses bestiaux avant le jour de la montaison sous peine de dommages et intérêts. Certains, qui faisaient monter les bêtes plus tôt pour profiter de l’herbe avant les autres devront cesser cette pratique.
– La traite des bestiaux des contrevenants aura lieu dans le “commun d’en bas réservé pour les chevaux” jusqu’à ce que les contrevenants aient tenu leurs engagements. Tous devront sortir leurs vaches du parc en même temps, le soir comme le matin. Ceux qui ont beaucoup de vaches devront avoir deux hommes capables de traire chacun dix vaches et un aide pour lier les vaches. Après la traite, toutes les vaches devront être renfermées dans le parc.
– L’achat de taureaux. Tous se cotiseront pour acheter chaque printemps quatre taureaux au prorata du nombre de vaches détenues. Les taureaux seront ensuite revendus et le prix de vente sera partagé.
– La loge (cabane) des veaux que chacun possède dans la montagne devra être déplacée tous les trois ou quatre ans et placée dans les endroits les plus arides.
– Les chevaux et les brebis ne pourront pacager en aucune saison dans la montagne, sinon après la descente des vaches.
– Les razes devront être entretenues. Respecter cette injonction était impératif à Barbesèche où la circulation de l’eau était particulièrement mal répartie.
Les quatre plaideurs obtenaient finalement gain de cause, chacun ayant reconnu le bien-fondé de leurs demandes. Tous s’engagèrent à respecter des pratiques d’élevage plus rigoureuses pour éviter les “mil incidents qui arrivaient annuellement”. Immédiatement après s’être réjouis d’avoir réglé leurs différends, tous les nouveaux réconciliés, dans un bel ensemble, décidèrent ce même jour 5 décembre 1745, d’aller en découdre contre les habitants de Brion et La Ronzière.
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Les paysans du bourg, coalisés contre ceux de Brion et La Ronzière
Se prévalant du règlement de Barbesèche qui venait de mettre fin au procès qui les séparait, les habitants du bourg, hier antagonistes, aujourd’hui redevenus alliés, se découvrent aussitôt un nouveau motif de querelle. Cette fois, c’est contre les habitants de Brion et du hameau de La Ronzière, qu’ils accusent de piller les bois. Ceux du bourg reprochent à leurs voisins de couper du bois et de faire pacager les bois et une partie du communal au détriment des cultivateurs du bourg. Une nouvelle fois, on envisage un procès. Un procureur est nommé qu’on charge de faire saisir les bestiaux qui pacagent dans les bois et de “supplier Monseigneur l’intendant de cette province d’Auvergne [d’intervenir] pour éviter la discorde et entretenir la pais dans la commune”. On notera que la requête à l’intendant – et non à Louise de Miremont ou à son régisseur – est considérée comme allant de soi par la communauté rurale quand elle peine à trouver une solution.
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Un éloignement seigneurial progressif
- Une présence seigneuriale occasionnelle
Une grande partie des nobles ne vivaient pas ou plus sur leurs terres. Selon Abel Poitrineau, 44% des nobles vivaient en ville, laissant les seigneuries gérées par un administrateur. A Compains, entre 1722 et 1734, les contacts seigneuriaux avec les habitants semblent s’être réduits au minimum. Jean-Baptiste de Laizer, pas plus que Louise de Miremont, ne semblent avoir pratiqué la proximité avec les compainteyres, du moins à l’occasion des baptêmes. A peine voit-on Jean-Baptiste parrainer en 1724 Jeanne Morin, la fille du notaire de Compains. C’est à Chidrac que se concentrent les cas de parrainage. Quant à Louise de Miremont, on la trouve soit à Chidrac où nait Jean-Charles, soit au château du Fayet où elle se consacrera aux bonnes œuvres sa vie durant. Elle mourra âgée de 84 ans en 1792, année où les révolutionnaires confisqueront ses biens du Haut Pays dont une partie sera vendue.
- La dot de la mariée
Présent à Compains en 1722, sans doute à l’occasion de la mort de son frère François de Laizer, Jean-Baptiste de Laizer-Siougeat assiste le 16 octobre 1722 à la rédaction du contrat de mariage entre deux habitants, François Morin et Anne Boudier (1696-1781). Les deux époux sont “d’age parfait” (majeurs), ils savent signer, “procédant de leur autorité comme ne dépendant de personne”. A cette occasion, Jean de Laizer-Siougeat donne 50 livres de dot à la mariée, payables en deux termes égaux aux deux prochaines saint Urbain. On peut penser que les mariés étaient des gens de maison, peut-être ceux qui tenaient le pied-à-terre du comte au bourg.
Cette dot allait rester impayée durant 23 ans. Ce n’est que le 17 novembre 1745 – deux ans après la disparition du donateur, mort en 1743 – que Louise de Miremont, découvrant sans doute cette promesse, en régla le montant à Anne Boudier. Celle-ci aura malgré tout eu le temps de profiter de ce don puisqu’elle ne mourra que 30 ans plus tard, le 1er juillet 1781, âgée de 85 ans.
- Chanet a “remué les bornes”
La comtesse se rend le 29 mai 1743 à Brion pour soutenir Jean Eschavidre, son fermier à Brion. Elle lui donne les pleins pouvoirs pour trouver une issue après des démêlés survenus avec Jean Chanet, gros marchand de Brion, au sujet, une nouvelle fois, de la conservation des bornes. Courante, cette affaire fut réglée par la justice de Compains.
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La formation de Jean-Charles
Un tuteur se devait de veiller à la formation de son pupille. Tuteur honoraire de Jean-Charles de Laizer, le prêtre Ligier Morin devait aussi se consacrer à la formation du jeune homme en l’associant aux actes courants de gestion de la seigneurie. Chaque fin d’année voyait le retour de la passation des baux. Ce fut l’occasion que choisit Ligier Morin pour commencer la formation du futur seigneur. En présence de son tuteur, Jean-Charles, âgé de 16 ans, acense une cabane du foirail le 6 décembre 1750 à Jean Bohaud “hoste” (aubergiste) au bourg pour y vendre et débiter du vin et des denrées les jours de foire.
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De la famine à la misère ordinaire
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Sous la férule de Jean-Baptiste de Laizer, puis pendant une vingtaine d’années de Louise de Miremont, les compainteyres connurent à plusieurs reprises des crises climatiques, économiques et épizootiques génératrices de troubles et de misère, sujet sur lequel nous reviendrons ultérieurement. Les crises qui s’étirèrent jusqu’à la Révolution semblent avoir peu impacté la démographie : on ne mourrait plus de famine, on survivait misérablement en supportant des disettes épisodiques. On n’était plus dans la tragédie comme dans les années 1693-1695 ou dans une moindre mesure en 1709, mais on vivait au quotidien le drame du manque de la nourriture nécessaire aux hommes comme aux animaux. Malgré tout, l’État instruit par les deux graves crises précédentes, commençait à mieux organiser le soutien des populations lors des crises frumentaires. Cependant, l’enquête diligentée dans les provinces par le contrôleur général Orry en 1745 classe l’Auvergne comme la province la plus pauvre, celle où régnait, selon le rapport, une “misère” qui faisait de la province la principale pourvoyeuse d’émigration intérieure.
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A SUIVRE
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