Compains

Histoire d'un village du Cézallier

– A COMPAINS

 

 

Le DISPOSITIF DÉFENSIF des BREON

au Bas pays et au Pays des montagnes d’Auvergne – XIIIe-XIVe s.

CHÂTEAUX et LIEUX de GARDE

 

 

Abbaye de Mozac – Soldat endormi

 

 

 

      Les Bréon étaient à la tête de châtellenies nombreuses, mais dispersées à la périphérie du Cézalier dans des régions très isolées du bas pays d’Auvergne et du pays des montagnes. Le morcellement et l’isolement de leurs possessions qui les rendait vulnérables même en temps de paix, les contraignit à consacrer d’importants moyens à l’occupation militaire et à la surveillance de leurs biens au XIIIe et au XIVe siècle.

      Venu le temps des guerres,  “tel qui s’étoit couché libre, se retrouvait esclave a son réveil”, nous dit la Coutume d’Auvergne. La cour du parlement avait ainsi enjoint en 1366 à Jaubert de Bréon de garder avec vigilance ses châteaux car “les pays où sont situés les châteaux sont opprimés par les pillards et les ennemis du royaume et connaissent un constant péril, il est donc necessaire de pourvoir a la garde et défense desdits châteaux”. C’était pendant la guerre de Cent ans.

      Bien avant cette date, au XIIIe siècle, les Bréon tenaient  un nombre considérable de châteaux au nord, à l’ouest et au sud du massif du Cézalier. Tous flanqués d’un poste de garde. Suivant les nécessités, on ne dressait qu’un “chastelet”. Jusqu’au XVIe siècle, la sauvegarde des habitants durant les périodes d’insécurité dépendit également de la surveillance exercée par des guetteurs ou des soldats placés en des endroits stratégiques d’où on pouvait signaler aux habitants qu’il fallait prendre garde.

      Le survol ci-après, beaucoup moins détaillé que notre ouvrage, vise à attirer l’attention sur la complexité du maintien de l’ordre dans une région qui s’autogouverna longtemps. 

 

 

Seigneuries, châteaux et lieux de garde XIIIe-XIVe s.

 

 

      L’occupation militaire du sol n’apparait plus de nos jours comme une évidence. La plupart des châteaux identifiés comme ayant relevé des Bréon à un moment ou à un autre sont pour la plupart totalement ruinés et les constructions plus légères des lieux de garde ont vu, comme les châteaux, leurs matériaux réemployés par les villageois. Et rares sont aujourd’hui les compainteyres pour qui le Bois de la Garde évoque le point de surveillance proche du château de la Motte, tombé dans l’oubli comme la chapelle qui le flanquait.

      C’est principalement à l’aide des représentations cartographiques et des noms de lieux qu’elles recèlent qu’on a pu retrouver la trace de ces anciens postes de garde médiévaux, une recherche complétée par de nombreuses observations de terrain.

 

 

  • BRIONChâteau et lieu-dit la Garde, (Com. Compains)

      Les Bréon vivaient dans leur château de Mardogne, à Clermont ou à Saint-Flour où ils avaient une demeure (hospicium). D’est au château de Mardogne qu’ils reçurent le frère du roi, Jean de Berry. Le château de Brion (1273 m.) n’était sans doute qu’une résidence occasionnelle, un lieu de passage quand ils venaient y gérer leurs affaires.

       Pour éviter la surprise d’une intrusion malveillante, un capitaine – parfois même un fils ou un frère du seigneur – assurait la défense des châteaux, assisté de gardes et d’un portier. Probable gardien du château de Brion au XIVe siècle, l’écuyer Guillaume Cachanius vivait  avec son fils à Brion où ils occupaient un hospicium et possédaient une grange.

      A quelques centaines de mètres de la forteresse de Brion, on trouvait au lieu-dit la Garde en 1315, un poste de surveillance établi lors de la construction du château vers le XIIe siècle. Guyonne de La Garde  rendait hommage à Maurin III de Bréon en 1325.

      Survient la guerre de Cent ans. Décrivant année par année les exactions commises par les Anglais depuis 1356, les habitants de Riom exposent qu’en 1362 les Anglais occupèrent une cinquantaine de lieux en Auvergne et Limousin. Parmi eux, un lieu nommé Brionne, dont on pourrait penser qu’il s’agit de Brion. On verra cependant ci-après qu’il existait une localité dite Brionnet, dans un lieu isolé près de Saurier. Brion fut-il occupé dès 1362 ou est-ce Brionne, la question reste ouverte.

      Ce qui est sûr, c’est que peut-être livré à lui même, ou mal défendu par Imbaud du Peschin son nouveau seigneur, le château de Brion, comme celui de Roche-Charles,  était tombé en 1375 aux mains des Anglais. Occupé par les routiers, il fallut payer pour sa délivrance un pâtis (rançon) auquel contribua Maure Dauphine, abbesse de Blesle à la demande de son neveu, Béraud Dauphin d’Auvergne, qui lui en donna quittance le 4 juillet 1375.

      Quatorze burons, dits burons de la Garde (cadastre 1828), avaient succédé au poste de garde médiéval au XIXe siècle. Le dernier d’entre eux brûla récemment.

 

Brion – Fossé de la tour

 

       Qu’en fut-il de Compains pendant la guerre ? Au chef-lieu de la paroisse, on ne décèle pas trace d’une mise en défense du bourg ou de l’église Saint-Georges comme on peut le voir, par exemple, à Allanche. Pas trace non plus de murailles telles qu’on en découvre dans des dizaines de villages fortifiés d’Auvergne tels Mareughol ou la Sauvetat. Trop pauvre, trop peu peuplé et probablement déserté pendant la guerre, le village resta livré à lui-même.

 

 

  • ROCHE  – Maison forte (?) à Beauregardet château sur motte à Larzalier,  dit aussi Largelier – Poste de surveillance à la Garde

      La famille des chevaliers de Roche “alias de Larzalier” (seigneurs de Roche, dits aussi de Larzalier), détenait à la fois Roche-Beauregard au nord du bourg de Compains et le fief de Larzalier, à quelques kilomètres à l’est.

 

Beauregard (1200 m.) – Maison forte ou lieu de garde, (Com. Compains)

      Le terme Beauregard, désignait un point d’observation élevé d’où le regard peut embrasser – et donc surveiller – une large étendue.  Le terme apparait à deux reprises sur les terres des Bréon, une fois à Compains au sud d’ Escoufort bas et une autre fois à La Meyrand. Choisi pour le “regard” – le guet – qu’on pouvait avoir sur la région, le site de Beauregard permettait la surveillance du chemin proche des bois du Montcineyre qui conduisait de Compains à Besse. Positionné en surplomb de Roche, Beauregard relevait très vraisemblablement des seigneurs de Roche, vassaux avérés des Bréon. Leur voisin à Escoufort haut était Bernard Ronat, seigneur d’Escouailloux, vassal du dauphin.

Voir aussi le chapitre “Villages et burons abandonnés, Escouffort bas”.

 

Beauregard

 

Larzalier (948 m.) –Château sur motte féodale et lieu-dit la Garde , (com. Saint-Anastaise)

      Les Roche étaient également seigneurs de l’affar de Largelier “affarium et locum vulgariter appellatum de Larzeleyr”, un fief perché sur les hauteurs de la vallée du Valbeleix. Une motte féodale y porte encore la trace d’un château, le “castrum seu locum de larzeleyr”, toujours nommé le château par les habitants. A quelque distance, le poste dit la Garde servit soit aux La Tour pour surveiller la seigneurie de Besse, soit aux Largelier pour garder leur château. La disposition des possessions des Roche-Larzalier laisse à penser que les biens des Saint-Nectaire à Marsol pourraient avoir été en tout ou partie enclavés entre la seigneurie de Brion et celle des Roche-Larzalier.

      Les Roche-Larzalier apparaissent à plusieurs reprises aux côtés des Bréon aux XIIIe et XIVe siècles. Robert de Larzileyr est témoin de Maurin II en 1225 lors d’une donation faite au prieuré du Valbeleix. On retrouve près de Maurin III son descendant, Hugues de la Roche, “alias de Larzalier”. Après la vente de la seigneurie de Larzalier à Guillaume Balbet par Maurin III en 1344, les seigneurs de Larzalier durent rendre hommage aux Balbet, des bourgeois clermontois récemment anoblis.

 

Larzalier – Motte féodale du château

 

 

  • BELLEGUETTE-HAUTChâteau sur motte féodale ou lieu de garde (Com. Compains)

Voir le chapitre “Chroniques villageoises”.

 

 

  • BEAUREGARDMaison forte ou lieu de Garde (com. La Meyrand)

      La seigneurie de Brion se prolongeait dans la paroisse de La Meyrand (1084 m.). En vue directe du château de Brion, un poste de surveillance ou une maison forte était dite Beauregard (1126 m.). On y surveillait le territoire qui séparait Brion de La Meyrand. On notera qu’à environ un kilomètre au sud de Besse on trouve au sommet d’une butte un autre poste de surveillance qui porte le nom de Beauregard (1188 m.).

La Meyrand  – Ruines de Beauregard en vue directe de la Motte de Brion

 

  • VAUZELLE – Limite de la seigneurie de Brion (?)Bornes (?), (Com. du Valbeleix)

      Outrepassant les limites de Compains au nord-ouest, les biens des Bréon formaient au Valbeleix une excroissance au niveau du hameau de Vauzelle (1180 m.) que prolongeait la terre du Cheix. On trouvait au Valbeleix un prieuré qui dépendait de l’abbaye de Saint-Alyre-lès-Clermont. A plusieurs reprises, les Bréon firent des dons à ce prieuré valbelaisien. En 1325, Jean, nouveau Dauphin d’Auvergne, reçut l’hommage de Maurin III pour son “chastel et ville de Brion” et pour le Cheix à “Vail beletz” (Valbeleix) sur lequel Maurin avait conservé la seigneurie éminente et dont il assurait probablement la protection puisque les religieux ne pouvaient assurer leur défense.

      On ne trouve pas trace d’un lieu de garde à Vauzelle, peu éloigné de Beauregard. Par contre, sur le versant abrupt du plateau de la Chavade qui descend vers le village du Valbeleix, on peut observer une suite de volumineuse pierres plus ou moins triangulaires (des bornes ?) placées le long du ruisseau de la colline du Sioulet qui cascade de Vauzelle vers la Couze. Ces pierres pourraient avoir marqué la séparation entre les terres des Bréon et celles des Saint-Nectaire.

 

Vauzelle – Borne ?

 

 

  • SAINT-HERENT – Château et lieu-dit la Garde

      Le fief de Saint-Hérent (609 m.) arriva possiblement à Itier de Bréon lors de son premier mariage avec une Saint-Hérent. Le fief faisait l’objet de fidélités multiples puisque trois suzerains – l’évêque, le dauphin et Mercoeur – s’en partageaient l’hommage.

 

Saint-Hérent – Site de l’ancien château et église Saint-Claire

 

      Saint-Hérent partit dans la dot de Dauphine de Bréon quand elle épousa en 1320 Pierre de Tinières. Veuve, Dauphine laissa Saint-Hérent en 1354 à son fils, le chevalier  Guillaume de Tinières qui hérita des Bréon, restés sans héritier direct.

 

 

  • MONTPENTIERChâteau, (aujourd’hui Le Pentier)

      Fief proche de Vodable où siégeait le dauphin, Montpentier (541 m.) dans la commune d’Antoingt, revint à Dauphine de Bréon dans un partage de l’héritage de Maurin réalisé en 1280. Dauphine de Bréon avait épousé Itier de Rochefort qui avait relevé le nom de Bréon à la fin du XIIIe siècle après la mort de Maurin resté sans héritier mâle. Plus tard, Montpentier revint à Alasie de Bréon épouse d’Hugues de Griffer, sœur de Maurin III.

 

 

 

 

  • ENTRAIGUESChâteau et lieu-dit la Garde près du Bladre, (Com. Egliseneuve d’Entraigues)

      Au sud-ouest de Compains,  il ne subsiste que les ruines ultimes du château des Chaslus d’Entraigues qui défendait l’entrée nord d’Egliseneuve d’Entraigues (1000 m.).  Hugues de Chaslus avait été caution du Dauphin d’Auvergne en 1230 avec Maurin de Bréon, lors du traité de paix signé avec le roi de France, ce qui place les deux barons à un niveau identique parmi les vassaux du dauphin. Convoqués en 1304 pour la guerre de Flandre, les deux seigneurs devaient fournir chacun dix hommes d’armes. Les Bréon avaient des droits sur l’Entraigue et les terres qui descendent vers Egliseneuve, Condat et Lugarde. En 1340, Richard de Chaslus rendait hommage à Maurin III pour certaines de ses terres, et c’est Robert de Chaslus, sire d’Entraigues, qui racheta pour 4000 livres les terres saisies en 1349 sur Maurin III, incapable de payer ses dettes.

 

Ruines du château d’Entraigues

 

      Contrairement au château de Brion, la place-forte d’Entraigues est encore mentionnée sur la carte de Cassini (v. 1760) et sur le cadastre de la commune d’Egliseneuve d’Entraigues (1818). Un lieu-dit la Garde est signalé près du Bladre (com. d’Egliseneuve d’Entraigues).

 

 

 

 

Quelques POSSESSIONS CANTALIENNES des BREON

 

 

  • CONDATPetit château ou lieu de garde dit le Chastelet

      Entre Chanterelle et Condat (Cantal), les Bréon tenaient un fortin dit le Chastelet,  (850 m.) près de la chapelle de La Borie d’Estaule. Il protégeait le chemin d’Egliseneuve à Condat.  Selon le terrier de Feniers, on trouvait en 1650 au Chastelet des “maisons, granges et étables”. Comme souvent, les pierres avaient été récupérées au profit d’un établissement paysan.

 

 

  • LUGARDEChâteau

      Dans la commune de Lugarde (Cantal), au nord du village dit Le Meynial, on peut encore voir quelques pans de murs du château de Lugarde (1042 m.), tenu au XIIIe siècle par Maurin de Bréon, puis passé à l’une de ses filles. Aujourd’hui colonisé par la forêt, le site est devenu difficilement repérable.

 

Château de Lugarde

 

 

  • MARDOGNEChateau et lieu-dit La Garde à Joursac

 

Château de Mardogne (Cantal)

 

      Dressée sur le Roc dans la paroisse de Joursac, la grande seigneurie de  Mardogne, protégée par un avant-poste dit la Garde,  était le lieu de résidence des Bréon. Le château ne fut – semble-t-il – jamais occupé par les Anglais durent la guerre de Cent ans.

 

 

  • NUBIEU Château et lieu-dit la Garde

 

Château de Nubieu

 

      La seigneurie de Nubieu près de Saint-Flour relevait des Bréon au XIVe siècle. Dans son testament (1334), Jaubert de Bréon laissa ce fief haut-justicier à son épouse Dauphine de Dienne  avec des terres à Fournols et Valjouze. Nubieu figure en 1372 au nombre des biens qui restent à Jaubert de Bréon, neveu de l’époux de Dauphine. L’endroit était sécurisé par un lieu-dit la Garde, aujourd’hui Rezentières.

 

  • FERRIERES – Château

      Pour ce fief du bord de l’Alagnon et son château dit “castrum sive fortalicia”, (château ou forteresse),  les Bréon rendaient hommage à l’évêque. Le château était rendable à toute réquisition du prélat. Ferrières était tenu en arrière-fief par les chevaliers de Ferrières.

 

 

 

AUTRES SEIGNEURIES

VOISINES de la SEIGNEURIE de BRION

Ronat, La Tour, Chaslus, Mercoeur

voir les Saint-Nectaire au chapitre la garde des seigneuries : Valbeleix

 

  • ESCOUAILLOUX – Petit poste de surveillance de la GARDETTE, (Com. Compains)

      Les étymologies provençale et occitane d’Escouailloux évoquent un poste de guet. L’essor d’un village à Escouailloux aurait conduit à repousser le poste de surveillance là où nous trouvons aujourd’hui le lieu-dit la Gardette, situé non loin de la route qui conduit de Compains à Egliseneuve et Espinchal.

      Escouailloux ne faisait pas partie du fief des Bréon. Enclavée au milieu de la seigneurie de Brion en 1354, le fief haut-justicier d’Escouailloux ne fait pas, ou ne fait plus partie de la seigneurie de Brion à cette date et c’est au Dauphin d’Auvergne et non aux Bréon que rend hommage Bernard Ronat seigneur  d’Escouailloux et de Rochebrune (Cantal). Aucun texte n’évoque Escouailloux avant la saisie de certaines terres de Maurin III en 1349. On sait qu’à cette époque, pour ne pas toucher au tronc constitué par sa seigneurie éponyme de Brion et par sa grande seigneurie de Mardogne, Maurin coupa des branches et vendit à Compains les villages de Cureyre et Chaumiane. Il parait vraisemblable que le fief d’Escouailloux ait été vendu avec sa haute justice à Bernard Ronat avant 1354 par Maurin toujours en quête de trésorerie.

Voir aussi sur Escouailloux le chapitre Chroniques villageoises

 

 

à l’ouest de Compains

 

  • CISTERNELa Garde de Cisterne

      En limite ouest de la commune de Compains, dans la commune d’Egliseneuve d’Entraigues, la Montagne de Cisterne (1180 m.) était tenue par la branche des Chaslus d’Entraigue. Elle s’interposait entre les terres des Bréon et les terres des La Tour seigneurs de Ravel (com. de Picherande). Dès le XIIe siècle, Richard de Chaslus était seigneur de Cisterne comme son descendant Pierre de Chaslus en 1213 sans qu’on puisse dire s’ils étaient vassaux des Bréon pour cette terre.

      Un poste de surveillance dit la Garde de Cisterne (1188 m.) sécurisait “l’estrade publique” (la route passante) qui conduisait d’Egliseneuve à Besse. Non loin, une source alimentait la Fontaine du bac de la Garde de Cisterne (cadastre 1828).

 

 

  • RAVELChâteau et lieu-dit la Garde

      Voisine de la paroisse de Compains jusqu’à la Révolution, la paroisse de Picherande était le siège de la seigneurie de Ravel tenue par les La Tour dont les possessions cernent les terres des Bréon avec au nord  la seigneurie de Besse  et  à l’ouest celle de Ravel. Proche du Lac Chauvet, le château de Ravel (1070 m.) est séparé de Compains par la seigneurie de Cisterne. On surveillait les alentours de Ravel au lieu-dit la Garde.

 

 

à Saint-Alyre-ès-Montagne et La Godivelle

 

  • LA GARDETTE – Au tripoint entre les communes de Compains, La Meyrand et Saint-Alyre-ès-Montagne, près du lieu-dit Bigradoux où la carte I.G.N. signale des ruines.

      Dans le vallon du ruisseau dit L’eau derrière qui s’écoule en contrebas de la motte de Brion, on découvre  au tripoint entre Compains, La Meyrand et Saint-Alyre-ès-Montagne, le poste de la Gardette. Ce point d’observation était situé près du chemin dit Lesterade (l’estrade) qui conduisait aux foires de Brion.

 

 

  • AUZOLLE La Garde

      A environ trois kilomètres à l’est du château de Brion, le village d’Auzolle (1091 m.) dans la commune de Saint-Alyre-ès-Montagne relevait au XIVe siècle du Dauphin d’Auvergne, devenu à cette date  l’héritier d’une grand partie des biens des Mercoeur. Le terrier de Saint-Alyre (1724) et son cadastre (1828) montrent le hameau d’Auzolle flanqué d’un la Garde qui n’est plus signalé sur la carte I.G.N.

 

Hommes d’armes – Edme de La Poix de Fréminville, Gallica

 

 

 

Le CAS PARTICULIER de BRIONNET

 

      A l’issue des gorges de Courgoul près du village de Saurier, l’imposant pic basaltique qui surmonte le hameau de Brionnet offre à son point culminant (927 m.), une vue à 360° sur des dizaines de kilomètres à la ronde.

 

Le château et sa chapelle

      Au Moyen Âge, le pic de Brionnet était couronné par une forteresse dite en 1262 “castrum de Breone” dont les vestiges sont encore inscrits dans le basalte. L’aplat ménagé au sommet n’accueille plus aujourd’hui que la chapelle dédiée à Notre Dame du Mont Carmel. La chapelle qui flanquait le château, dite “capella de Breone” est citée dans le registre de Guillaume Trascol, antérieur à 1317.

      Cette homonymie ne semble pas accidentelle. Cette forteresse qui constitua sans doute une pièce maitresse du dispositif défensif du Dauphiné d’Auvergne, pourrait avoir été défendue par un cadet des Bréon.  Mort à la vigile de Pâques 1262, Robert II dauphin cite dans son testament “domicellis meis”, mes damoiseaux, “Cheyro et Auberto de Breone” probablement des frères ou des fils de Maurin de Bréon placés auprès du dauphin comme le pratiquaient couramment les familles aristocratiques. Quand Robert III, nouveau Dauphin d’Auvergne, rend hommage en 1262 à son suzerain Alphonse de Poitiers frère de Saint-Louis, il procède à l’énumération de ses fiefs et cite le “castrum de Breone et Saurias”, c’est à dire le château qui surmontait le Pic de Brionnet. Il détaille ensuite les fiefs de ceux qui l’avouent pour seigneur. Parmi ceux-ci, le fief du seigneur de Brion “feudum quod tenet a nobis dominus de Breo […] Breo cum pertinensis”. Cet hommage élimine toute ambiguïté : le fief de Maurin de Bréon y est clairement distingué du château du Pic de Brionnet.

 

Le pic de Brionnet et sa chapelle

 

      Breone est dit Brionne (et non Brionnet) sur la carte de Cassini (vers 1760) comme sur le plan cadastral de la commune de Saurier (1812). La forme diminutive actuelle pourrait donc n’être apparue qu’après après 1812, peut être à cause d’une chute de la population. Elle ne semble donc pas suggérer  un lien de subordination entre Brion et Brionnet. Alors pourquoi une telle homonymie entre les deux seigneuries ?

      On pourrait se borner à invoquer l’origine gauloise du nom : comme Brion, Brionnet dérive de Briga, un lieu élevé sur lequel, au fil du temps vint se greffer une structure défensive. Cependant, lors des faits évoqués ci-dessus (1262), la population bénéficiait depuis deux ou trois siècles d’une phase de croissance économique et démographique. La paix régnait dans le royaume, même si on enregistrait quelques bavures liées aux guerres seigneuriales auxquelles se livraient certains nobles. C’était “le bon temps du roi saint Louis”, vision idéalisée du règne qu’il faut évidemment largement relativiser.

      La poussée démographique enregistrée dans le royaume, peut-être ressentie à Compains, autorise une hypothèse. Des familles en surnombre à Compains seraient venues “coloniser” le lieu désert situé au pied du Pic de Brionnet, d’où le nom Breone retrouvé dans les textes du XIIIe siècle. Le dauphin, soucieux de sécuriser le pays en limitant les zones désertes, aurait pu encourager cette migration en confiant à un Bréon la défense de ce qui devint Breone dans le texte de 1262. De tels constats d’homonymie ont été faits ailleurs en Auvergne. Cette “colonie”, en multipliant les allées et venues entre Brion et Brionnet, aurait rendu nécessaire la construction d’ouvrages défensifs le long des gorges du Sault pour sécuriser l’itinéraire.

      De Compains, on gagnait facilement Brionnet par un chemin qui passait par Chassagne. Cette route est nommée dans une liève de 1607 “l’estrade de Bryon” ou parfois “la voie allant a Brion”. Le terme estrade, (du latin strata, voie, route), indiquait au Moyen Âge une route recouverte de pierres. Le chemin qui reliait Brion à Brionnet avait donc été empierré, sans doute à cause de son rôle stratégique au sud du Dauphiné, peut-être aussi parce qu’il fallait pouvoir relier commodément deux châteaux défendus par des Bréon.

 

En guise de conclusion

 

      C’est donc une bonne douzaine de châteaux, et plus encore de lieux de garde, qui relevaient des Bréon et de leurs vassaux aux XIIIe et XIVe siècles. Encore n’évoque-t-on pas ici les châteaux cantaliens comme Lanobre, détenu par les Bréon au moins depuis le XIIIe siècle et conservé jusqu’à l’extinction du lignage, ou encore Marchal en Artense,  Châteauneuf près de Riom-es-Montagne et Aulhac, près de Talizat, et peut-être d’autres qui ne sont pas encore apparus dans les sources documentaires retrouvées.

      Multichâtelains, les Bréon détenaient différents types de châteaux  : outre les forteresses patrimoniales de Brion, Mardogne, Entraigues et probablement Lanobre, on trouve dans leur patrimoine des châtellenies destinées à partir dans la dot de leurs filles (Saint-Hérent, Montpentier, Châteauneuf…), d’autres sont gardées par des cadets de la famille ou des capitaines (Lugarde, Nubieu, Brionnet ?). Enfin, viennent les châteaux des vassaux (Ferrières, Roche, Larzalier…).

    Pendant le voyage outre-mer du seigneur qui partait en croisade, la situation de ses seigneuries se fragilisait. Le départ vers Jérusalem de Maurin de Bréon en 1270 le contraignit non seulement à emprunter à Béraud de Mercoeur pour financer son voyage, mais aussi à lui confier la garde et la jouissance de “ses places, terres et seigneuries” de Brion, Lugarde et Gleisenove (le château d’Entraigue). Les trois châteaux et leurs appartenances étaient retenus par Mercoeur qui en toucherait les revenus jusqu’au remboursement des dettes. Protecteur, le château devait aussi être protégé. Ce transfert provisoire de souveraineté avait l’avantage de ne pas laisser les châteaux sans protection durant l’absence peut-être longue du seigneur croisé.

     En période de prospérité, on avait entretenu a minima les châteaux. Venue la guerre de Cent ans, il fallut déchanter : jusque là mal surveillés et entretenus à moindres frais, les châteaux devinrent des boulets pour les nobles les moins fortunés. La maintenance de plusieurs châteaux, leur garde, leur défense et leur entretien – seulement en partie assuré par des corvées paysannes – constituaient une importante cause de dépenses. Quand la guerre s’invita aux portes des forteresses après la défaite de Poitiers, c’est par dizaines que les forteresses tombèrent aux mains des routiers. Leur reconquête exigea le paiement de rançons, mobilisa des armées et plomba les finances de l’Auvergne et du royaume.

 

 

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