– L’ENTRAIGUES à COMPAINS
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et les VILLAGES du SUD-OUEST jusqu’à la RÉVOLUTION
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ESPINAT, GRAFFAUDEIX, GRANJOUNES, MOUDEYRE, REDONDEL
et la vacheries de CHABANIOL, CHAMBEDAZE et GROLEIX
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Le nom de la commune d’Egliseneuve-d’Entraigues varia à de multiples reprises au fil du temps. On le verra apparaître ci-dessous sous des formes variées telles Gleizeneuve, Gliseneuve, Egliseneuve près Condat, etc.
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Du COL de la CHAUMOUNE au “QUARTIER d’ENTRAIGUES”
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Dans le Montagnes Occidentales les “entraigues” sont partout et si on considère le pullulement des ruisseaux et des “fonts” (sources) qui drainent le territoire de Compains, on observe qu’on se trouve bien souvent “entre deux eaux”. Poursuivant notre observation pointilliste de la paroisse, nous remarquons dès le Moyen Âge un “pays” situé au sud-ouest, qu’on nommait au siècle des Lumières le “quartier d’Entraygues”. Bien que localisé dans la paroisse de Compains, ce “quartier” composé de plusieurs “villages”, nous dirions aujourd’hui des hameaux, faisait partie de la baronnie d’Entraigues qui chevauchait les limites de Compains et dont le chef-lieu était le village de Gliseneuve, aujourd’hui Egliseneuve-d’Entraigues.
Nous verrons qu’après la formation des communes en 1790, les hameaux de l’Entraigues seront soustraits à Compains et attribués à Egliseneuve. La commune de Compains se contracte alors et passe d’une superficie d’environ 75 km2 à sa superficie actuelle, légèrement supérieure à 50 km2.
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- La Chaumoune : un col de moyenne montagne
Depuis le bourg de Compains, passé vers le sud le hameau d’Escouailloux et la maison isolée des Yvérats, on traverse des estives avant de parvenir, à 1155 mètres d’altitude, au col de la Chaumoune, à plus de quatre kilomètres du bourg de Compains. Nullement spectaculaire, c’est un col de moyenne montagne qui se faufile entre à l’ouest des lacs-tourbière et la Montagne de La Fage (1218 m.) et à l’est la Montagne de La Veisseyre (1190 m.). Le col est distant de 7 km 500 d’Egliseneuve-d’Entraigues.
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Da la “paroisse basse”(le bourg et ses villages) vers la “paroisse haute”, (le “quartier d’Entraigues”)
Borne de la seigneurie médiévale de Brion, le col de la Chaumoune matérialisait l’entrée vers la seigneurie d’Entraigues. Il rejoignait ce qu’on nommait dans le langage du temps les deux “quartiers” de la paroisse de Compains. Le plus important de ces quartiers dit, la “paroisse basse”, comprenait le bourg et les villages alentours. Beaucoup moins peuplé, le quartier d’Entraigues était dit “la paroisse haute”. Il regroupait Graffaudeix, Espinat, Redondel, Moudeyres, les Granjounes, des hameaux qui se limitaient entre eux. On remarquera que la configuration du terrain ne justifiait pas les qualificatifs de haute et basse donnés à ces deux quartiers.
Le col marque en outre le point de bascule entre le bassin versant de la Loire où se déversent les eaux de Compains, (Couze, Gazelle), et le bassin versant de la Dordogne qui reçoit les cours d’eau qui parcourent l’Entraigues, les ruisseaux de Clamousse, de Groleix et d’Entraigues, notamment. La descente vers Egliseneuve est caractérisée par des ruptures de pente à l’origine de belles cascades.
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- Un lieu de fort passage
La morphologie du terrain détermina le tracé de la route venue de Compains qui se sépare en deux pour se diriger à l’est vers Espinchal, à l’ouest vers Egliseneuve. C’est ce chemin relativement facile par beau temps mais hasardeux l’hiver que suivirent pendant des siècles les morts de l’Entraigues qu’on allait ensépulturer au bourg de Compains dans le cimetière de l’église Saint-Georges. Traversé par le chemin qui conduisait les maquignons du Limousin et du Poitou aux foires de Brion, le col de la Chaumoune, fréquenté épisodiquement par des centaines de bêtes, se trouvait au cœur de l’activité économique induite par les foires de Brion.
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- Christianisation du col
L’héritage des romains nous a accoutumés à observer le long des chemins qui franchissent les cols des monuments ou des bornes qui balisent ces points de passage. Sans doute depuis des temps immémoriaux le col de la Chaumoune fut-il doté par la dévotion populaire d’une croix, d’une chapelle ou pour le moins d’un havre où faire halte pour abriter ceux qui parcouraient la douzaine de kilomètres qui séparent Compains d’Egliseneuve. On peut voir aujourd’hui près du col une chapeloune, résurgence vraisemblable de l’ancienne chapelle qui portait témoignage du besoin de protection spirituelle qu’on pouvait ressentir en parcourant ce territoire pastoral isolé et parfois inhospitalier. Ici pas de jalon politique du territoire, pas de borne comme on l’observe sur le Joran avec la Pierre Sarraillade. Religieuse, l’invocation évoque ces paysans qui franchirent durant des siècle le col pour aller faire baptiser leurs enfants ou enterrer leurs défunts, pendant qu’en sens inverse les curés parcouraient les montagnes pour dispenser les derniers sacrements aux entraiguois.
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Le QUARTIER d’ENTRAIGUES dans la PAROISSE de Compains
avant la RÉVOLUTION
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- L’Entraigues dans la seigneurie de Brion (1349) : quelles limites ?
Terre située “entre les eaux”, la terre d’Entraigues tire son nom des ruisseaux qui la bornent en partie, les ruisseaux de Clamousse, de Groleix et d’Entraigues (dit aussi ruisseau du lac de La Fage). Sommairement décrite, l’Entraigues forme un triangle. Au sud, une pointe formée par la confluence des ruisseaux vient former la Rhue qui descend vers un autre confluent, celui de Condat, (du gaulois condate, le confluent), là où confluent le Bonjon, la Santoire et la Rhue.
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- Quels villages ?
Bien peuplé, le quartier d’Entraigues comprenait au moins quatre hameaux en 1349 : Espinas (1140-1160 m.), Graffaudeix (1045-1070 m.), Redondel (1100-1110 m.), Moudeyre (1150 m.), des villages plus ou moins gros selon les sols et l’altitude. Les toponymes des villages de l’Entraigues marquent l’imprégnation entre les paysans, la nature qui les entoure, et les activités agricoles. Espinat évoque un terrain épineux, Graffaudeix le houx, Redondel une croupe arrondie. Moudeyre, évoque la meunerie et les Granjounes des bâtiments agricoles. Les villages de l’Entraigues étaient cernés de montagnes occupées par des vacheries sur les montagnes de Chabaniol, Chambedaze et La Fage, des lieux où pouvaient surgir par intermittence des habitats interstitiels. Ce sont ces territoires distants du bourg qui se trouveront en 1790 distraits de la paroisse de Compains.
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- Quelle seigneurie ?
Les limites des seigneuries se confondaient rarement avec celles des paroisses. L’Entraigues faisait partie de la seigneurie de Brion depuis des temps immémoriaux et à coup sûr depuis la mise en place de la féodalité si on se fonde sur les possessions médiévales des Bréon qui, aux XIIIe et XIVe siècles, y imposaient leur autorité à des vassaux, en particulier les Espinchal et les Chaslus. Après 1349, date de la saisie d’une partie des biens de Maurin III de Bréon rachetés par Richard de Chaslus, la seigneurie d’Entraigues se trouva agrandie vers le nord et enjamba les limites de Gliseneuve, son chef-lieu, pour s’étendre largement sur la paroisse de Compains.
Placé peu avant la convergence des ruisseaux encaissés d’Entraigues et de Clamousse, le château d’Entraigues participait au Moyen Âge du maillage défensif de la région. Alors que le château de Brion n’est plus mentionné sur la carte de Cassini (v. 1760), le château d’Entraigues y est encore cité et son emplacement flanqué d’un moulin est signalé en 1830 sur le cadastre d’Egliseneuve d’Entraigues sous la forme “chezal (ruine) du château d’Entraigues”.
Non loin du château, le pont d’Entraigues traverse le ruisseau du même nom. Indispensable au chemin de communication nord-sud entre Besse, Egliseneuve et Condat il était très parcouru lors des foires de Brion. Nécessaire au passage des bestiaux que les marchands conduisaient vers le Berry, le Poitou, la Marche ou le Bourbonnais, on y croisait également ceux qui transportaient le sel nécessaire aux bestiaux des montagnes. L’utilité du pont n’était pas à démontrer mais ses six pieds de largeur étaient bien insuffisants et gênaient l’écoulement de l’important trafic qui l’empruntait lors des foires. En 1730, “ce pont [fut] renversé par son ancienneté et par sa mauvaise construction la violence des eaux ayant sapé ses fondations”. Un arrêt du Conseil royal supprima les droits de péage que le marquis d’Yolet prétendait y toucher alors qu’il était dans l’incapacité de montrer les titres qui auraient justifié ses prétentions et qu’il s’abstenait d’entretenir le pont.
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- Des distances qui désavantageaient les entraiguois
C’était essentiellement le poids du passé féodal qui plaidait en faveur d’un rattachement de l’Entraigues à la paroisse de Compains. Ni les données géographiques, ni les données climatiques ne le justifiaient véritablement. Les hameaux de l’Entraigues étaient beaucoup plus éloignés du bourg de Compains que du bourg d’Egliseneuve et il fallait compter avec les complications liées au climat qui sévissait à l’époque, sans rapport avec celui que nous connaissons aujourd’hui. Même si on pondère les résultats ci-dessous, établis à partir des routes carrossables actuelles, on observe qu’à l’exception d’Espinat, les villages de l’Entraigues sont distants d’au moins dix kilomètres de Compains, plus sans doute quand il fallait parcourir des chemins cahoteux et difficilement charroyables. A ces causes déjà déterminantes, on verra que vint se greffer la question fiscale et, à la Révolution, la personnalité agissante du curé d’Egliseneuve, des facteurs qui, cumulés, pesèrent sans doute lourdement dans la décision des habitants de demander leur rattachement à Egliseneuve.
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L’ENTRAIGUES à COMPAINS, du MOYEN ÂGE à la RÉVOLUTION
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- Création des paroisses de Gliseneuve et d’Espinchal autour de l’An Mil
Dans cet exercice qui cherche à retrouver et établir des bribes de la mémoire de la terre d’Entraigues, acceptons l’hypothèse vraisemblable véhiculée par certains auteurs qui allèguent que Compains fut évangélisé au IIIe/IVe siècle par Antoninus. Une première église aurait alors été édifiée et vouée à l’archange saint-Michel que saint Austremoine, venu d’Issoire, serait venu consacrer.
Plus de vingt kilomètres séparent Compains de la paroisse de Condat. Autour de l’An Mil, on peut penser que la limite entre les deux paroisses, sans doute très floue, se situait à peu près à mi-chemin. Surviennent alors deux faits majeurs : la population, qui profitait d’une conjoncture climatique favorable, augmenta si sensiblement que l’évêque de Clermont autorisa la création de deux nouvelles paroisses : Gliseneuve à onze kilomètres de Compains et Espinchal distante de huit kilomètres. Deux nouvelles églises assurèrent dorénavant le soutien spirituel dans ces paroisses naissantes qui se trouvèrent, de ce fait, soustraites à l’attraction religieuse qu’exerçait le pôle paroissial de Compains. L’idée d’appartenance à une paroisse put alors faire progressivement son chemin quand il fallut déterminer sur quels territoires faire reposer la perception de la dîme. Cependant, on observera à l’Époque Moderne que la création des nouvelles paroisses n’attira pas les paroissiens des villages de l’Entraigues qui, résistant à la force centrifuge qui aurait pu s’exercer au profit de Gliseneuve et Espinchal, continuèrent de se rendre à l’église Saint-Georges de Compains.
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Ruines du château d’Entraigues
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- Sous la domination des Bréon, seigneurs de Brion
Survient la féodalité. Les limites des paroisses se trouvent enjambées par celles de seigneuries. Durant des siècles, les terres des uns et des autres vont s’enchevêtrer avec pour seule logique les actions de générations seigneuriales successives, faites d’héritages, de dot reçues ou données, d’achats, de ventes, ou même de saisies pour dettes. On obéissait à Dieu mais on était soumis au seigneur dominant, dans l’Entraigues les Bréon jusqu’en 1349. Selon Remacle, l’Entraigues appartenait en 1260 à la maison de Courcelles du Breuil et Morinet de Courcelles avouait Maurin de Bréon pour son suzerain. Cette proximité se retrouve sur le plafond du doyenné de Brioude où les armes d’un Courcelles côtoient celles d’Itier de Bréon. Maragde de Courcelles du Breuil, dame d’Entraigues et Gliseneuve aurait transmis l’Entraigues, probablement seulement en partie, au chevalier Pierre de Chaslus. Morin du Breuil était seigneur de l’Entraigues au début du XIIIe siècle.
Partage de l’héritage de Maurin de Bréon (1280)
Au nord de l’Entraigues, un Chaslus était seigneur de Cisterne au XIIe siècle, une seigneurie située à l’extrême ouest de Compains, le long du ruisseau de Clamousse. Dotée d’un lieu de garde dit la Garde de Cisterne, la seigneurie de Cisterne séparait Compains de Picherande. Au décès de Maurin de Bréon – en 1280 ou peu avant – ses quatre filles se partagèrent chacune une part des biens de leur père et deux filles se partagèrent l’Entraigues. A Dauphine, l’aînée, épouse de Pierre de Tinières, échurent les hautes terres d’Entraigues avec le Cocudoux prolongé vers le sud par le lac de Chambedaze. Marguerite de Bréon, épouse de Pierre de Chaslus seigneur d’Entraigues reçut les basses terres d’Entraigues avec le château. Pierre de Chaslus rendait “foy et hommage” en 1303 à l’évêque de Clermont pour une partie de ses terres et sans doute aux Bréon pour l’autre partie.
La saisie de 1349
On a vu au chapitre Dettes seigneuriales que Maurin de Bréon avait dû notamment céder en 1349 les manses (“villa seu mansum”) d’Espinat, Redondel, Graffaudeix (Gonfaldes), Moudeyre (Modenas, Modeyras), le Groleix, Chambedaze et La Fage. Près du château d’Entraigues et du bois de chaux le manse du moulin d’Entraigues (molendum del chau) sur le ruisseau d’Entraigues fut aussi saisi sur Maurin comme le “mense del pont de glise neuve”, point de passage qui devait rapporter un péage à Maurin.
Après les Bréon et jusqu’à la Révolution, la seigneurie d’Entraigues va passer de mains en mains. Défilent successivement les maisons de Chaslus jusqu’au début du XVe siècle, de Balsac au XVe siècle, d’Urfé au XVIe siècle, de Crémeaux au XVIIe siècle, de Malras d’Yolet et de Montagnac avant la Révolution.
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Cascade du bois de la Chaux
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- L’Entraigues passe de mains en mains jusqu’à la Révolution
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Les Chaslus étendent leurs biens dans l’Entraigues (1349)
Issu d’une des plus anciennes familles d’Auvergne, Robert de Chaslus, sire de Mirebel, acheta en 1349 moyennant 4000 livres les villages et les terres de l’Entraigues saisis sur Maurin de Bréon. Ces biens, acquis dans la paroisse de Compains au détriment de la seigneurie de Brion, s’ajoutaient à ceux que Robert de Chaslus tenait de ses ancêtres dans la région. Il en fit l’hommage au roi en décembre 1349.
De Balsac à Urfé
Le fief d’Entraigues passe ensuite, pense-t-on par achat, à Jean de Balsac qui en était seigneur en 1453, puis à Robert de Balsac sénéchal de Gascogne, puis à son fils Robert, lieutenant du roi en Auvergne [Tardieu]. Plus tard, la seigneurie parvient à Claude d’Urfé, bailli du Forez, grâce à son mariage en 1532 avec Jeanne de Balsac d’Entraigues. Alors qu’il faisait une brillante carrière auprès du roi de France, Claude d’Urfé fit réaliser en 1544 le terrier de sa seigneurie d’Entraigues. Son descendant, Thomas d’Urfé, mourra assassiné dans le château d’Entraigues. La seigneurie passe ensuite à la soeur de Thomas, Isabeau d’Urfé, mariée en 1595 avec Claude de Crémeaux, seigneur de Chamosset. Leur fils, Guillaume était baron d’Entraigues en 1630.
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Claude d’Urfé, seigneur d’Entraigues
Musée Condé (Chantilly), atelier de Jean Clouet
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Des Crémeaux à Malras d’Yolet et Montagnac
Après avoir vu passer plusieurs générations de Crémeaux, la seigneurie d’Entraigues est achetée en 1705 par François de Malras, marquis d’Yolet, maître de camp du régiment du Berry. Son père homonyme était mort en 1693 à Yolet, le fief de la famille, proche d’Aurillac. Non résident, François de Malras, époux de Marie de Lastic, habitait Auteyrat près de Billom. Il meurt en 1727.
Un état des gentilshommes et privilégiés fourni en 1725 par les consuls de Compains et Gliseneuve montre que François de Malras, seigneur de Gliseneuve et du quartier d’Entraigues, jouissait de deux domaines dans le village de Graffaudeix. Les consuls de la paroisse de Compains chargés de collecter l’impôt, déploraient que ces domaines, qui auraient dû payer chacun 100 livres de taille, aient été exemptés à cause du haras que tenait le marquis d’Yolet dans sa seigneurie d’Entraigues. Entretenir un haras était un moyen efficace de se soustraire à l’impôt dont le montant impayé par le seigneur retombait en surcharge sur tous les habitants de la paroisse. Malras jouissait en outre à Compains dans le lieu du Chay d’un moulin et de douze journaux de prés, eux aussi exemptés du paiement de la taille qui aurait pu atteindre 50 livres, selon les habitants. Antoine Adrien de Malras vendit pour 10 000 livres en 1745 à Jean Andraud une partie (Parpaleix) de la seigneurie d’Entraigues située dans la paroisse de Chanterelle près de Condat. Après la mort sans enfant d’Antoine Adrien de malras en 1768, l’Entraigues passe à son neveu, Antoine de Montagnac, marquis de Lignières, marié depuis 1756 avec Jeanne Antoinette de Lastic. Leur fils, Antoine Etienne, mourra en 1825 sans laisser de postérité.
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L’Entraygues de Compains avant la Révolution – Carte de Cassini n° 53
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SURVOL des HAMEAUX de l’ENTRAIGUES du XVIe siècle à la RÉVOLUTION
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L’Entraigues de Compains dans le terrier que fit établir Claude d’Urfé au XVIe siècle
(Source : Terrier transcrit par Jacques Bernard d’Egliseneuve)
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- Le terrier de la seigneurie d’Entraigues (1544)
Le terrier – semble-t-il complet – que nous avons pu consulter, fut établi par Rahon notaire royal. Comme le prescrivait la coutume d’Auvergne (1510), une seigneurie se devait d’avoir un terrier qui énumère par tenanciers les droits seigneuriaux fonciers et banaux à l’échelle des villages, hameaux et lieux-dits. Complexe à établir, le terrier cite les propriétés du seigneur d’Entraigues, ici Claude d’Urfé, situées dans les paroisses de “Gliseneufve”, Espinchal, Chanterelle, Condat, Montgreleix.
Dans l’Entraigues de Compains – qui seule nous intéresse ici – le terrier cite les villages et lieux-dits suivants : Graffaudeix, le village le plus peuplé, Redondel, Espinat, Moudeyre, hameau très peu peuplé et La Fage, inhabité à cette date. Les termes mas et villa, très employés dans les actes au temps des Bréon, ne sont plus utilisés dans ce terrier.
Le cens
Le terrier établit le montant du cens à payer annuellement à Claude d’Urfé, marquis d’Entraigues, propriétaire éminent de la terre et seigneur haut justicier. Cette redevance, qu’il faut voir comme un loyer, était payée en argent et en nature par les habitants, propriétaires utiles de la censive. Lié à la propriété foncière, le cens était généralement payé individuellement au seigneur par chaque exploitant qu’il soit habitant de la seigneurie, forain ou qu’il s’agisse d’un groupe familial, par exemple deux frères associés dans une même exploitation. Un habitant qui tenait des terres dans plusieurs villages payait le cens dans chaque village où il possédait des biens. Quand les lieux étaient éloignés du château seigneurial, le cens devait y être porté ; il était dit alors “charriable et manobrable”.
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Terrier de la seineurie d’Entraigues (1544)
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L’économie rurale
Le village de loin le plus peuplé de l’Entraigues selon le terrier de 1544 était Graffaudeix, suivi de Redondel, Moudeyre et Espinat. La Fage, lieu d’estives puis domaine sera faiblement peuplé au milieu du XVIIIe siècle.
Les habitants sont majoritairement qualifiés du terme peu précis de “laboureur”, ou rarement “métayer” ou “métayer-marchand”. Les professions de muletier ou de fabricant des objets ouvrés – largement représentés au bourg de Gliseneuve – ne sont pas mentionnées dans les villages de l’Entraigues où dominent l’élevage et la fabrication de fromages. Une certaine mobilité professionnelle est décelable : plusieurs natifs des villages de l’Entraigues travaillent dans d’autres villages ou paroisses tout en conservant quelques biens dans leur village natal. La plupart tiennent un “hort à viande” (jardin potager), rarement un “hort à chanvre” (jardin à chanvre). Ils se partagent des communaux et tiennent du seigneur leur “couderc” (pré) commun. Ils profitent du bois de Maumont “alias de Chambedaze” que se partagent Graffaudeix, Moudeyre et La Fage. Les entraiguois sont “abonnés” au four et au moulin seigneurial. Le cens est payé en argent, en seigle, en avoine et en gélines (volailles), parfois même en cire à Moudeyre. A Redondel par exemple, pour leurs montagnes, communaux, couderc, pacages et bois taillis contenant 200 têtes d’herbages, les habitants paient 5 livres 16 sols de cens annuel. En sus du cens, Urfé touche à Graffaudeix une forte dîme, prélevée à la 11e gerbe, une dîme beaucoup plus élevée que la dîme seulement perçue à la vingtième gerbe par le curé de Compains. La culture du lin n’a pas encore fait son apparition à cette date.
Rares étaient les compainteyres possessionnés dans l’Entraigues. Seuls deux marchands habitants du bourg de Compains sont possessionnés à Graffaudeix : “maistre Jean Morin marchand” y tenait une maison-grange-étable et 24 journaux de prés et “maistre Jacques Morin” qui y possédait une maison-étable-grange, 55 journaux de près et un hort à viande.
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- L’emprise des forains dans l’Entraigues
Selon le terrier (1544)
Plusieurs forains, majoritairement des bourgeois, ont investi l’Entraigues.
A Moudeyre “maistre Jean Besseyre, bourgeois de la ville de Besse” tient à Graffaudeix deux grandes maisons-granges-étables et 108 journaux ou septerées de terre auxquelles s’ajoutent 30 têtes d’herbages de montagne indivises avec le seigneur et les autres cotenanciers sur un total de 320 têtes contenues dans la montagne. Il exploite en outre 60 septerées de terres communes, bois taillis et haute futaie à Chambedaze, indivises avec les habitants de Moudeyre, Graffaudeix et La Fage.
A Graffaudeix, un gros propriétaire, “maistre Jean Dauphin, sieur de Leinard”, exploite 55 journaux de prés. A Chambedaze il tient plus de 50 journaux de prés et le domaine de Suquetout avec grange-étable et plus de 80 journaux de prés, sans compter 15 journaux au “clos des boeufs”.
Redondel est peu investi par les forains à cette date si ce n’est par le notaire de Marcenat, “maistre Béraud des salesses” qui y tient une maison-grange-étable et une quarantaine de journaux de prés.
A Espinat, un notaire d’Ardes, Antoine Borne, possède 16 journaux de prés et 17 septerées de terres et de bois au tènement de Chanet.
Enfin, dans la Montagne de Groleix qui contient 180 têtes d’herbages, “noble Jean Degieu”, seigneur d’Anglares, un habitant de Marcenat, tient 30 têtes d’herbages indivises avec des habitants.
Peu de nobles donc dans l’Entraigues, mais des gens du cru, des marchands et des notaires. Quant à Jean Besseyre, il est issu d’une honorable famille de juristes de Besse dont un membre sera subdélégué de l’intendant d’Auvergne au XVIIIe siècle.
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Selon le rôle de Compains (1760)
En 1760, les formes d’exploitation ont évolué et les domaines abondent dans les vastes espaces des montagnes occidentales. L’Entraigues est alors truffée de 12 domaines sur les 16 que compte la paroisse de Compains. Ces domaines appartiennent pour la plupart à des forains et sont affermés ou exploités par des métayers. Voisine de de Compains, la paroisse de Picherande comptait à cette date 11 domaines et celle de Gliseneuve 20 domaines.
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- Le cas des domaines de Dauphin de Montrodeix dans l’Entraigues
La main-mise des non-résidents, nobles et bourgeois non exploitants sur les terres du sud-ouest de Compains était conséquente. L’exemple de Jean-François Dauphin de Leival, écuyer, seigneur de Montrodeix, procureur général de la Cour des Aides de Clermont est significatif. Propriétaire en 1740 de huit domaines dans les villages de Compains, Chanterelle, Espinchal et Lavergne, il les baille depuis les années 1720 à Pierre Tartière, marchand de Graffaudeix qui sous-traite leur exploitation. Sur les quatre domaines situés à Compains, deux sont situés dans l’Entraigues. Graffaudeix d’abord, exploité semble-t-il par Pierre Tartière lui-même, était garni d’un troupeau de plus de trente bêtes. Le second domaine, Suquetout, situé dans les appartenances des Granjounes et Chabaniol, était sous-affermé. On y trouvait une maison de métayer, grange, étable. Moins important qu’à Graffaudeix, le troupeau comptait une trentaine de vaches “bonnes et de recepte”. En 1741, Dauphin étend encore ses biens dans l’Entraigues et prend possession de 44 têtes d’herbages supplémentaires dans la montagne et les bois de Chabagnol, des terres qu’il afferme à nouveau à Pierre Tartière. Ces terres avaient été achetées à Charles-Etienne de Colonge, contrôleur général des finances de la généralité de Riom, qui les tenait de sa défunte femme, Marie Gabrielle Garnaud de la Fabrie. Ce cas n’est pas unique. Les achats de Rodde de Chalaniat à La Fage et dans les montagnes occidentales, comme ceux du notaire de Compains, Jean Morin à Redondel dans la seconde moitié du XVIIe siècle, échappaient à l’impôt.
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- Les feux de l’Entraigues vers 1750
Les collecteurs d’impôts nous renseignent vers 1740-50 sur le nombre de feux des quatre villages du quartier d’Entraigues (un feu compte environ 5 personnes). On y dénombrait alors 106 feux, soit environ 500 personnes. A titre de comparaison, on recensait 164 feux dans la seigneurie de Brion, non inclus le hameau de Marsol qui relevait de la seigneurie du Valbeleix tenue par les Crussol, successeurs des Saint-Nectaire. En y ajoutant Marsol, on pourrait estimer que Compains a pu compter 300 feux au milieu du siècle, soit entre 1300 et 1400 habitants si on admet que certaines maisons, habitées par des personnes seules, ne comptaient pas les cinq habitants qui, en moyenne, occupent généralement un feu. Ce total est, on s’en doute, à prendre avec précaution.
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Compains – Ligne de partage des eaux
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OU les ENTRAIGUOIS se FAISAIENT-il BAPTISER et INHUMER ?
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Evolution du choix du lieu de dévotion entre 1690 et 1789
L’Église imposait aux fidèles d’assister à la messe dans l’église de leur paroisse, ce qui semble avoir été bien accepté des entraiguois, du moins si l’on en croit les procès-verbaux des visites pastorales qui n’évoquent aucune réticence aux déplacements vers Compains. Qu’en était-il en réalité et vers quel lieu de culte les entraiguois étaient-ils attirés quand ils voulaient faire baptiser leurs enfants ou inhumer leurs morts ? Les comportements religieux furent-ils influencés par la proximité des églises Saint-Austremoine à Gliseneuve et Saint-Nicolas à Espinchal ?
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- Les données des registres paroissiaux
Pour approcher l’évolution des comportements entre 1690 et 1789, les registres paroissiaux de Compains et Gliseneuve ont été mis à contribution et dépouillés sur une centaine d’années. Les lacunes des registres de Gliseneuve avant 1690 (trou entre 1659 et 1689) ont déterminé la date du début de la recherche. L’année 1789, qui clôt pour le moment nos investigations, marque le tournant du rattachement de l’Entraigues à Gliseneuve en 1790.
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- Le choix du lieu de baptême : un renoncement progressif aux racines paroissiales
S’agissant du choix du lieu de baptême par les entraiguois, il apparait que l’attraction de Gliseneuve sur l’Entraigues s’accentue au fil du XVIIIe siècle. La période 1690-1789 marque une hausse continue de l’orientation de la pratique baptismale des entraiguois vers Gliseneuve. Ralentis en 1730, les baptêmes repartent à la hausse en 1760. Seuls les villages d’Espinat et Moudeyre, les plus proches de Compains, baptisent majoritairement leurs nouveaux-nés à l’église du bourg de Compains. Graffaudeix, le village qui apparait le plus peuplé dans le terrier de 1544 et Redondel font baptiser les enfants majoritairement à Gliseneuve, plus proche et plus facile d’accès.
La chute des baptêmes d’entraiguois à Compains commence dès les années 1720 chez les villageois de Graffaudeix. L’affaissement s’accentue après la mort en 1740 du curé Breulh, détenteur de sa paroisse depuis quarante ans. La cure voit alors se succéder une série de prêtres qui, pour des raisons diverses (démission pour mauvaise santé, décès…) installe à la tête de la paroisse une instabilité qui put favoriser le glissement de certains paroissiens vers “Eglise neuve au dessus de Besse”. Il fallut attendre le 19 janvier 1749 et l’arrivée du curé Pierre Besson pour que la stabilité se réinstalle à la cure de Compains qu’il desservira durant 25 ans. De son côté, le curé Antoine Mathias exerçait depuis 1780 une forte influence à Gliseneuve.
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Chute des baptêmes d’entraiguois à Compains (1690-1789)
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Comment expliquer la hausse brutale en 1760 des baptêmes d’entraiguois pratiqués à Gliseneuve plutôt qu’à Compains ? L’urgence peut expliquer bien des choses en des temps où la mortalité infantile reste forte, mais on ne peut exclure la passation d’un accord amiable entre les curés, conscients des difficultés qu’opposait la distance aux déplacements en montagne et soucieux d’épargner leurs ouailles.
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Hausse des baptêmes d’entraiguois à Gliseneuve (1690-1789)
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- Le choix du lieu de sépulture : la tradition perdure
L’attachement au cimetière ancestral va jouer assez logiquement en faveur du maintien à Compains du lieu de sépulture. La praticité de la proximité à laquelle on sacrifie lors des baptêmes s’efface quasiment totalement lorsqu’il s’agit d’ensépulturer son défunt. Le sentiment d’appartenance à une identité paroissiale joue encore à plein et le déplacement des inhumations vers Gliseneuve n’est encore qu’occasionnel, parfois lié au hasard, parfois lié à des conditions atmosphériques exceptionnelles. Ainsi cet habitant de Graffaudeix, Guillaume Verneyre, mort et enterré le 5 décembre 1700 à Gliseneuve “n’ayant pu le porter a Compains a cause des neiges”. Les rares testaments des habitants du quartier d’Entraigues ne démontrent nullement que les habitants aient souhaité se rapprocher de Gliseneuve. Chacun, à l’image de Pierre Tartière de Graffaudeix en 1709, souhaitait que “son corps estre enterre apres son décès au cimetière de Compans et au tombeau de ses ancêtres”. Jusqu’à la Révolution, la grande majorité des familles ne revient donc pas sur l’attachement à la sépulture ancestrale située en terre consacrée au pied de l’église Saint-Georges.
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Maintien des sépultures des entraiguois à Compains (1690-1789)
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Le pourcentage d’entraiguois ensépulturés à Gliseneuve varie entre 0,8% à Espinat et 7,5% à Redondel, le village le plus proche de Gliseneuve. Les inhumés à Gliseneuve disparaissent dans l’épaisseur du trait à Moudeyre et moins de 5% des morts de Graffaudeix désertent le cimetière de Compains. Encore faudrait-il analyser davantage les registres paroissiaux pour mettre en lumière si ceux qu’on inhume à Gliseneuve ne sont pas de nouveaux arrivants ou des travailleurs de passage. Ce qui est sûr, les visites pastorales l’attestent, c’est que le curé de Compains officiait bien dans l’Entraigues et que nul n’y mourrait sans être pourvu des sacrements.
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- Des entraiguois se dirigeaient-ils vers Espinchal ?
Des lacunes dans les registres paroissiaux d’Espinchal ont limité la recherche à la cinquantaine d’années qui court de 1737 à 1791. Durant cette période, il est documenté que les habitants de Redondel, hameau équidistant d’Espinchal et de Gliseneuve, pratiquèrent seulement une douzaine de baptêmes à Gliseneuve, marquant sans doute moins une détermination réelle que des concours de circonstances. A peine trouve-t-on à Espinchal un baptême dit “par nécessité” d’un enfant de Graffaudeix.
Il apparait donc qu’à l’approche de la Révolution, si les inhumations d’entraiguois se poursuivaient à Compains suivant la tradition, le curé de Compains avait perdu le monopole des baptêmes des enfants, attirés par la proximité de Gliseneuve. Une attraction qui va se conclure à la Révolution par le fractionnement de Compains au profit de Gliseneuve.
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L’ENTRAIGUES fait SÉCESSION à la RÉVOLUTION
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- Une entente qui varie suivant les circonstances
La concorde ne régnait pourtant pas toujours entre les entraiguois et les égliseneuvois. En 1730, l’intendant d’Auvergne signifia aux égliseneuvois qu’ils devaient participer à l’entretien du chemin qui conduit à Besse. Refuser cette obligation pouvait coûter cher. En guise de punition, les réfractaires devaient payer des “frais de garnison” élevés en hébergeant et entretenant à leur domicile des soldats. Entrainés par Jean Boyer, un marchand et par leur syndic des chemins, les égliseneuvois cherchèrent à détourner l’intendant vers une autre cible : les entraiguois. Selon eux, les paysans compainteyres du “cartier d’entraigues…n’ont jamais rien fait à aucun chemins”. Pourquoi alors ne pas les charger de ce travail ? On ne sait malheureusement pas le sort qui fut réservé à cette supplique, mais le rôle d’impôt de Compains établi en 1771 pour financer l’entretien des chemins comprenait les quatorze villages de la paroisse dite basse, mais aucun des villages de l’Entraigues.
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- Dissidence des entraiguois à la Révolution
Ces divergences ponctuelles n’effaçaient pas pour les entraiguois les avantages géographiques de la proximité de Gliseneuve. La demande de rattachement émana de Graffaudeix, village le plus peuplé de l’Entraigues. Pour profiter de la révision des limites de certaines communes engagée par les révolutionnaires, Graffaudeix entraina les villages voisins et demanda l’intégration de l’Entraigues dans un nouveau lieu d’attachement, la commune d’“Egliseneuve près Condat”. A son corps défendant, Compains n’allait donc pas rester à l’écart de la remise en cause des frontières de certains villages.
La supplique des habitants
Pour faire entériner le changement, il fallait en appeler aux plus hautes autorités et argumenter. Dans un mémoire adressé aux députés de l’Assemblée nationale, les entraiguois décrivent une paroisse de Compains divisée en deux parties : “une paroisse basse de quinze villages ou hameaux”, (le bourg et les villages environnants) et une “paroisse haute composée seulement de cinq villages ou hameaux”, (l’Entraigues). Pour justifier la demande de rattachement émise par les suppliants, le mémoire contient des revendications prévisibles : la distance, le climat et la difficulté d’accéder aux secours spirituels. Certains griefs sont plus inattendus : les entraiguois se disent contraints de garder chez eux les cadavres, parfois pendant cinq jours, quand les intempéries interdisent de les transporter à l’église de Compains. On aurait pu leur opposer que l’argument pouvait être brandi par biens d’autres villages, à Compains ou ailleurs. Viennent encore des arguments qui pourraient bien dévoiler les revendications principales : le fiscalité et l’emploi. Les habitants de la paroisse basse sont accusés de rejeter sur ceux de la paroisse haute les surtaxes d’impôts et de priver les entraiguois des “emplois honorables et utils”, accusations sur lesquelles nous n’avons pour le moment pas trouvé de cas concrets.
Pertinents ou exagérés, les arguments de la paroisse haute furent entendus par les autorités et, profitant des circonstances exceptionnelles que connaissait le pays, la rupture ne tarda pas à être consommée. La requête des entraiguois parvint le 13 août 1790 au district de Besse qui donna un avis favorable dès le 25 septembre. Un an plus tard, l’Assemblée nationale ordonnait le 21 septembre 1791 qu’“Egliseneuve…réunira à son ancien territoire les villages de Gruffandeix (Graffaudeix), Grands-Jounes, Moudeyres, Espinat et Redondel ainsi que les vacheries et montagnes de Chabaniol et Chambedaze, le tout distrait de la paroisse de Compains”. Que s’était-il passé ?
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Echec de la résistance de Compains
Deux points de vue légitimes, mais totalement opposés, s’étaient affrontés et Compains n’avait pas su faire obstacle aux arguments d’Egliseneuve. Après avoir formé une communauté paroissiale des siècles avant la création de la paroisse d’Egliseneuve, Compains n’avait pas su résister efficacement à la demande des égliseneuvois. La municipalité compainteyre argua n’avoir pas été convoquée régulièrement pour défendre le point de vue de ses administrés. Pierre Alexandre Morin, curé constitutionnel de Compains, pourtant élu administrateur du district de Gliseneuve en 1791 ne fut pas en mesure de contrer l’influence d’Antoine Mathias (1753-1828), curé d’Egliseneuve. Le juge Faucher-Moudeyre, nommé juge de paix du canton d’Egliseneuve, fut désavoué par les compainteyres qui lui reprochèrent d’avoir laissé distraire de Compains les villages du sud-ouest [Reynouard]. Aussi, lors des assemblées de citoyens chargés de désigner le nouveau juge de paix, les électeurs de Compains apportèrent-ils leurs voix à François Perrier, notaire à Egliseneuve, qui succéda à Faucher.
Finalement, à l’heure où la Révolution rebattait les cartes, c’était le chef-lieu de l’ancienne seigneurie vassale de la seigneurie de Brion devenue commune qui entrait en possession des villages de l’Entraigues. Qui aurait pu agir en sous-main pour obtenir ce résultat ?
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Antoine Mathias, curé de Gliseneuve
En dehors du glissement des baptêmes vers Gliseneuve, on n’entrevoit guère dans la documentation retrouvée de tendance séparatiste exprimée par les habitants de l’Entraigues avant 1790, à l’exception de la manifestation de déception déjà évoquée plus haut. On peut cependant penser que l’attraction exercée par Egliseneuve put être encouragée par Antoine Mathias, curé d’Egliseneuve. Fils de Jacques Mathias notaire à Issoire et de Gabrielle Brès, le curé Mathias, entré précocement dans les ordres en 1776, avait pris possession de sa cure à Egliseneuve en 1780. A la Révolution, le “curé d’Egliseneuve au dessus de Besse”, après avoir refusé de prêter le serment constitutionnel deviendra prêtre réfractaire. Insermenté, il quittera sa cure pour se réfugier chez ses parents à Issoire, puis fuira en Italie où il intriguera avec des émigrés. Il mourra en 1828, curé de Pont-du-Château après bien des péripéties consécutives à la Révolution.
Réputé avoir exercé une influence réelle sur sa paroisse, le curé Mathias avait été élu en 1787 représentant du clergé d’Auvergne à l’Assemblée provinciale d’Auvergne où il traitait des questions commerciales et sociales. Il avait ensuite été élu le 26 mars 1789 député à l’Assemblée constituante pour Riom. Il y travailla aux nouvelles divisions de la province, une activité qui le conduisit sans doute à manœuvrer pour obtenir la modification des frontières d’Egliseneuve. Pour le curé, récupérer l’Entraigues c’était aussi la perspective de récupérer des dîmes, même si les circonstances en décidèrent autrement.
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Antoine Mathias, 1791, BnF Gallica, Fonds régional Auvergne
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Si les plaintes des entraiguois aboutirent si rapidement au rattachement à Egliseneuve, on peut donc envisager que ce fut grâce à l’intervention du curé Mathias qui, dans le contexte mouvementé de l’époque, avait su relayer efficacement les difficultés rencontrées par les entraiguois auprès de l’administration révolutionnaire.
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- Conséquences de la partition territoriale
Pour avoir mal géré la situation, Compains subit deux impacts principaux après cette soustraction territoriale, et d’abord un rétrécissement important. L’amputation de l’Entraigues retira environ 25 km2 au territoire communal qui ne conserva plus que les 50 km2 que nous lui connaissons aujourd’hui. L’affaissement démographique fut lui aussi considérable. Privée de ses villages de l’Entraigues, la commune de Compains perdit 353 habitants (Reynouard) alors qu’Egliseneuve près Condat au 20 mars 1790 comptait désormais 1391 égliseneuvois. En 1792, il ne restait à Compains que 756 habitants.
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Le nouveau découpage administratif, il faut en convenir, n’allait en rien bouleverser le mode de vie quotidien à Compains. Quant aux entraiguois, outre que la partition simplifiait leur quotidien, ils y trouvèrent sans doute les avantages fiscaux espérés.
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Le cadastre fixe en 1828 les limites entre Compains et Egliseneuve-d’Entraigues
Le concile de Trente (1545-1563) avait imposé que des limites strictes soient données aux paroisses sans obtenir partout satisfaction et de nombreuses paroisses conservèrent longtemps encore des limites incertaines. On a vu qu’à Compains, l’attribution des herbages du Cros de Joran à La Godivelle faisait encore débat au début du XVIIe siècle.
A la Révolution, le qualificatif “près Condat”, jusque-là accolé au nom de Gliseneuve, disparait en 1792 après que la création des départements ait placé Condat dans le département du Cantal. En octobre 1828, des limites précises entre les deux communes sont enfin précisément fixées lors de la rédaction du cadastre en présence de François Blancher, maire de Compains, et de Roux, maire d’Egliseneuve. La dénomination Egliseneuve d’Entraigues est alors entérinée afin d’éviter la confusion avec d’autres communes du Puy-de-Dôme dénommées elles aussi Egliseneuve.
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L’entraigues, son château, son moulin, ses villages (1828)
A SUIVRE
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