Compains

Histoire d'un village du Cézallier

– Les “chemins de Brion”

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“Tous les chemins conduisent aux foires de Brion”

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Principales sources utilisées :  liève de l’abbaye de Mègemont (1607), terrier de Saint-Alyre-ès-Montagne (1724), plans cadastraux (établis entre 1820 et 1840)

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Les éléments cartographiques de ce chapitre ont été réalisés à partir des plans cadastraux d’une quinzaine de communes du sud du Puy-de-Dôme et du nord du Cantal réalisés dans la première moitié du XIXe siècle et numérisés par les Archives départementales du Puy-de-Dôme et du Cantal.

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Les anciens documents fonciers

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       Inexistants à Compains avant le XVIIe siècle, les terriers (registres où étaient décrits les biens fonds, les droits, les redevances et obligations auxquelles on était soumis dans la seigneurie) et les lièves (extrait de terrier) retrouvés dans les seigneuries voisines de Compains peuvent se révéler de précieuses sources de renseignements sur les chemins qui desservaient Brion. Un scribe ou un officier seigneurial y notait le patronyme de chaque tenancier, le nom de la tenure, le montant du cens à payer en précisant si le paiement avait été effectué.

      Une liève de l’abbaye de Mègemont (1607) citée par Emile Amé, montre que, depuis le château de Brion on pouvait facilement rejoindre Brionnet et Vodable en passant par Le Brugelet et Chassagne dans le canton d’Ardes. Cet ancien chemin était nommé “l’estrade de Bryon” c’est à dire “la voie empierrée allant à Brion”. Non loin, des grottes creusées sous la couche de basalte pouvaient servir de refuge aux habitants ou d’abri pour les malfaiteurs. A l’autre extrémité de la commune, le nom “estrade publique et antique” était aussi donné à la grande route empierrée qui conduisait de Besse à Egliseneuve d’Entraigues et Condat.

         Ces estrades (du latin strata, voie, route), étaient au Moyen Âge des routes empierrées qui permettaient le passage des charrettes, et non de simples chemins de campagne. Située au sud du Dauphiné d’Auvergne, la route qui reliait Brion à Brionnet et Vodable, suivait le ruisseau dit L’Eau derrière, puis le Ruisseau de Longua vers La Meyrand . Elle fut sans doute construite puis entretenue au Moyen Âge à cause de son rôle stratégique pour la défense des terres du dauphin qui vivait au château de Vodable mais aussi parce qu’elle permettait d’accéder à Brionnet où se trouvait, au sommet du Mont Carmel, un château qu’on peut penser tenu au Moyen Âge par des Bréon. La trace de cette voie de communication subsiste sur la carte I.G.N. 2533 E qui indique, à quelques centaines de mètres au sud de La Meyrand, un lieu nommé Lestérade, (lestrade), indice de la présence d’un ancien chemin pavé.

         Lors d’une réfection du terrier de la baronnie du Luguet en 1724 on constate que le chemin rural qui, dans la paroisse de Saint-Alyre-ès-Montagne reliait Auzolle à Brion en passant par La Ribeyrette était dit “la charreire-farrade”. Gardé au lieu-dit la Gardette, ce “chemin ferré”,  c’est à dire empierré et entretenu, permettait le passage des chariots qui traversaient le ruisseau dit L’eau derrière qui coule au pied de la Motte de Brion. Le terrier signale en outre à cet endroit deux lieux “del peage” où étaient taxés les marchands qui se rendaient aux foires de Brion.

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Les chemins représentés sur les cadastres napoléoniens

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       Les foires ont structuré autour de Brion un réseau de chemins en étoile. L’examen d’une quinzaine de plans cadastraux révèle que le  village avait acquis un rayonnement singulier au sud du Puy-de-Dôme et au nord du Cantal. Venant de tous les horizons, de nombreux chemins situés hors de la commune de Compains sont nommément désignés sur les cadastres “chemin de Brion à…” ou, par exemple et à l’inverse, “chemin de Marcenat à Brion”.

Transcription du ressenti de la population, les foires de Brion, révélées par les noms des chemins des cadastres, tendaient à hausser au rang de commune ce village perdu au sommet d’une montagne. On se souviendra à ce sujet que Brion revendiqua sans succès en 1884 de former une commune indépendante de celle de Compains.

       Le réseau étoilé des chemins rayonne autour de Brion sur une quinzaine de communes, certaines parfois situées à trente ou quarante kilomètres. On suivait le “chemin de Brion” depuis le Puy-de-Dôme (Issoire, Saint-Germain-Lembron, Ardes, Egliseneuve d’Entraigues, Anzat-le-Luguet, Mazoires) comme depuis le Cantal (Montgreleix, Marcenat, Pradiers, Landeyrat “chemin de brion au Greil”).

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Absence de chemins dits “de Brion” à l’ouest de la commune

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      Depuis l’ouest et l’Artense et contrairement à ce que l’on observe au nord, à l’est et au sud de Brion, le cadastre de la commune de Picherande, pourtant voisine de Compains, n’indique aucun “chemin de Brion”. Le pont sur le ruisseau de Clamousse ne semble pas avoir été communément utilisé pour se rendre à Brion, du moins pas au point de donner au chemin le nom du lieu de la foire de destination des marchands.

      Si l’on s’en tient au nom des chemins principaux de Picherande, il apparait que les marchands venus de l’ouest suivaient vers le nord le chemin venu de Bort (aujourd’hui Bort-les-Orgues à la frontière du Limousin) jusqu’à Vassivière avant d’atteindre le gros bourg Besse qui servait d’entrepôt entre la Limagne et les montagnes occidentales. Vers le sud, les chemins qui traversent Picherande se dirigent vers Egliseneuve d’Entraigues.

      Il faut sans doute voir à cette absence que, moins portée vers l’élevage et ses produits, la région de Picherande et l’Artense trouvaient à Besse et Egliseneuve d’Entraigues de meilleurs débouchés à leurs productions qu’à la foire de Brion, très spécialisée dans les produits de l’élevage.

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Au nord et à l’est

Les “chemins de Brion” indiqués sur les plans cadastraux au nord de la commune

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Au sud

Les “chemins de Brion” indiqués sur les plans cadastraux au sud de la commune

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L’ancien chemin Compains-Brion

      Pour rallier le bourg de Compains à Brion il avait fallu durant des siècles emprunter le rude chemin que nous trouvons aujourd’hui malaisé, pentu et rocailleux qui, après avoir escaladé le contrefort du Cézalier, longeait Malsagne et franchissait le ruisseau des Règes avant d’atteindre Brion. Enfin en 1873, un nouveau tracé se profila.

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Ancien chemin de Compains à Brion

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1873 : enfin une route Compains-Brion !

      Le dernier quart du XIXe siècle vit s’accélérer les travaux routiers dans les montagnes. En 1873, on dressa les plans d’un chemin d’intérêt commun qui prévoyait de réunir Ardes à Besse par Brion et le bourg de Compains (D 36). Dans sa traversée du Bois de Saint-Georges qui couvre l’à-pic vertigineux du Cézalier entre le bourg et Brion, la nouvelle route croisait plusieurs ruisseaux : les Diablaires et, peu avant Brion, le ruisseau des Règes.

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Compains – Plan de la route Compains-Brion (1873)

Détail du plan parcellaire – Source : Mairie de Compains

Sur le plan ci-dessus détenu par la Mairie de Compains, on distingue, indiquée en rose, la nouvelle route dans la traversée du bourg, l’église entourée de son cimetière, le pont sur la Couze et les expropriations envisagées. Au sud du plan, l’ancien chemin de Brion.

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Un pont pour franchir le ruisseau des Règes

Compains – Nouvelle route Compains-Brion (1873)

Franchissement du ruisseau des Règes peu avant Brion.

Détail du plan parcellaire – Source : Mairie de Compains

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La nouvelle route alcoolise les brionnais !

      Pour clore provisoirement ce chapitre, une anecdote. Si l’on en croit Paul Roux, (“Le Montagnard auvergnat”), dont les parents avaient tenu une auberge à Brion, seules deux familles de Brion pouvaient se permettre le luxe de boire du vin. Parmi les retombées économiques consécutives à la construction de la nouvelle route, on racontait que la consommation de vin augmenta à Brion. Il est vrai qu’encouragées par l’amélioration des voies de communication, les marchandises, et en particulier le vin, circulaient plus vite et plus facilement. La construction de la route, en facilitant l’acheminement du vin de la Limagne à Brion, en favorisa la consommation.  Venu de Saint-Germain-Lembron, le vin était apporté à Compains dans des outres.

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