Aux origines de Compains
C’est à l’aube du second millénaire, qu’apparait dans l’Histoire le village de Compains, village du Cézalier, au sud du Bas-Pays d’Auvergne. La toponymie éclaire une origine que l’archéologie laisse pour l’instant obscure : compendiacensis, cité à l’époque mérovingienne, viendrait du nom d’un gallo-romain, Compendius. Le village est mentionné en 1317 dans le testament de Bernard de la Tour sous la forme Compens, forme qu’on retrouve fréquemment dans les textes jusqu’au XVIIe siècle avant que Compains ne s’impose.
A Brion, la butte fut très anciennement défendue si on se fonde sur la toponymie qui nous renseigne sur l’origine gauloise du site. Brion est issu du topoponyme gaulois Briga indiquant une hauteur fortifiée. A la fin du premier millénaire, le Cézalier refuge naturel, s’était trouvé progressivement peuplé de populations dont certaines avaient pu fuir les envahisseurs normands après le pillage de Clermont en 864. Un premier château sur les rochers s’installa, peut-être occupé par les ancêtres des seigneurs de Bréon qui apparaissent au début du XIIIe siècle à Brion.
Christianisation du Cézalier au premier millénaire
C’est bien avant l’an Mil que fut peuplé et christianisé le sud du Bas-Pays d’Auvergne. Le réseau paroissial du Cézalier s’est construit précocement, sans doute avant le IXe siècle. En 1095, lors de l’appel à la croisade lancé de Clermont-Ferrand par le pape Urbain II, le diocèse de Clermont est considéré “christianisé jusqu’en ses profondeurs depuis l’époque carolingienne” [M. Aubrun]. La paroisse de Compains apparait alors comme pouvant être l’une des plus précoces de la région.
Pour attester de l’ancienneté du territoire paroissial de Compains, il faut remonter à la troisième Vie de saint Austremoine (écrite au XIe siècle). Elle relate qu’Austremoine, fondateur d’un monastère à Issoire au IIIe siècle, envoya prêcher dans les montagnes plusieurs de ses compagnons dont Antonin, l’un des évangélisateurs de la Basse-Auvergne. Parmi les lieux mentionnés dans la Vie, apparait le nom d’une localité qui pourrait avec vraisemblance désigner Compains “in loco qui Compendiacensis dicitur” situé “in montana”, dans cette région qu’on appelait déjà les montagnes.
Au Moyen Âge, deux pôles forts se faisaient face à Compains : au nord ouest de la commune le pôle paroissial, le bourg aux maisons groupées autour de l’église Saint-Georges. A plus d’une lieue au sud-est, non loin de Saint-Alyre-ès-Montagne, sur une butte volcanique au sommet aplani, se dressait à Brion le pôle seigneurial avec sa forteresse dont ne subsistent aujourd’hui que des traces, une chapelle castrale elle aussi disparue et les habitations des villageois de Brion. Le lieu, cerné d’herbages, est dit aujourd’hui La Motte de Brion et l’impression d’isolement y domine.
Le cadre paroissial
Faute de textes, les villageois sont les grands absents du paysage médiéval du village. Sans doute peut-on concevoir que la paix sociale y est réglée par la Coutume qui organise un minimum de règles et d’usages acceptés par tous et relayés par la mémoire des Anciens. Un respect rassurant de la tradition mène la vie courante et la nouveauté est regardée avec méfiance. Entre église et château la communauté villageoise vit dans une sécurité relative, à condition que les puissants n’usent pas de mauvaises coutumes contraires au droit naturel des peuples, à la justice et aux enseignements de l’Eglise.
Compains au pied du Puy Moncey
Dès les premiers temps du second millénaire, la vie à Compains s’organisait autour de son église, d’abord dédiée à saint Michel archange, puis à saint Georges. Chargé d’évangéliser les montagnes, saint Antonin aurait fondé à Compendiacum une église que saint Austremoine serait venu consacrer à saint Michel archange. Pourtant au XVIe siècle, les textes nous donnent comme nouveau vocable pour l’église celui de saint Georges qui comme saint Michel, terrassa un dragon. L’église conservera cette titulature jusqu’à nos jours.
Une légende qui nous plonge dans un passé lointain empreint de merveilleux est associée aux pentures de l’église de Compains : les vantaux du portail méridional sont décorés de quatre anciennes pentures en fer forgé, encore visibles aujourd’hui. La légende raconte qu’alors que deux chevaliers se battaient devant l’église, l’un d’eux blessé voulut se réfugier dans le sanctuaire où il entra sur son destrier. Mais à peine les quatre fers du cheval eurent-ils touché le sol du lieu saint qu’ils se détachèrent. Après l’évènement, on cloua les fers du cheval sur la porte de l’église.
Le cadre seigneurial
Après l’encadrement des âmes, se structure l’encadrement des hommes au début du second millénaire. Des familles imposent manu militari leur autorité et un maillage de châteaux s’insère alors dans le réseau des paroisses. Sur les hautes terres, à quelques kilomètres de Compains, une forteresse surgit à Brion.
La butte basaltique de Brion qui portait le château attesté en 1222
Près de la butte principale, une petite butte portait une fortification secondaire. Au centre, on distingue l’ancienne école de Brion construite à la fin du XIXe siècle.
Pourquoi un château sur la position dominante de Brion ?
La défense du territoire des Bréon devait être assurée face aux seigneuries environnantes, en particulier les Mercoeur dont les immenses possessions principalement situées à l’est de l’Allier débordaient à l’ouest jusqu’à Allanche, Le Luguet et Aubijoux. Dans la commune de Saint-Alyre-ès-Montagne, ils tenaient la Volpilière et Auzolle face à Brion. Au XIIIe siècle, les Mercoeur créent la ville d’Ardes.
Sur la forteresse de Brion le témoignage des fouilles, comme celui des textes, nous manque. C’est grâce aux photographies aériennes du site réalisées par Gabriel Fournier (en 1992 et 2000) qu’on a pu commencer à imaginer ce que fut le château posé au sommet de la butte retouchée pour l’aplanir et constituer une terrasse à double niveau. Aujourd’hui, les photos de Philippe Tournebise nous donnent une vision encore plus claire de la disposition des bâtiments. Au centre de la butte, on distingue l’empreinte d’une tour quadrangulaire dont les fondations reposaient directement sur la roche. Une basse-cour (une cour-basse) et des murailles bordées d’un fossé complétaient le dispositif défensif. Dans la basse-cour, apparaissent plusieurs fondations de loges qui pourraient avoir été construites pour abriter les populations qui venaient se réfugier dans la forteresse durant la guerre de Cent ans. La tour affichait l’autorité du seigneur, elle matérialisait le pouvoir exercé par les Bréon sur leurs vassaux du voisinage et sur les populations environnantes qu’ils tenaient en respect entourés de leurs hommes d’armes.
Lieu de refuge, le château assurait la protection des habitants sur le mandement qu’il contrôlait. Au sud, la forteresse était protégée par un poste de garde attesté dès 1325. Gardé par Guyonne de la Garde (Ms 818), le poste est installé sur une hauteur près des lieux dits aujourd’hui Buron de la Garde et Bois de la Garde.
L’Armorial de Guillaume Revel réalisé vers 1450 ne mentionne pas la forteresse féodale. Tombée en ruines ou victime des campagnes de destructions castrales, elle n’est plus mentionnée dans les textes après le début du XVIIe siècle.
Ci-dessous les traces au sol de la forteresse de Brion vues du ciel et photographiées remarquablement par Philippe Tournebise. Rien ne subsiste du château hormis l’empreinte des murailles avec, au centre, la tour carrée. Dans la basse-cour entourant la tour, on distingue la trace d’anciennes loges dont on peut penser qu’elles furent construites durant la guerre de Cent ans pour abriter des populations réfugiées.
Le village de Brion
Pour exploiter et défendre le territoire de Compains, il fallait le peupler. La présence de la forteresse entraina un dédoublement de l’habitat. En limite de zone habitable, à plus de 1200 mètres d’altitude, naquit au pied du château un lieu habité permanent, le village de Brion. Des paysans des mas voisins y furent attirés pour travailler sur les terres de la réserve du seigneur. Bénéficiant le cas échéant de la protection des murailles, ils fournissaient la main d’oeuvre indispensable à l’entretien du château et à l’exécution des corvées.
L’attraction du château resta relative et ne permit jamais de fixer à Brion une population suffisamment nombreuse pour concurrencer le chef lieu de Compains en donnant naissance à une paroisse indépendante. Les foires, trop sporadiques, et les rudes conditions climatiques n’incitèrent jamais une population nombreuse à s’implanter dans cet écart isolé. Le peuplement s’avéra cependant suffisant pour que Brion eût besoin d’un lieu de culte qui assurerait aux vilains, aux défenseurs du château et aux Bréon eux-mêmes, le soutien spirituel indispensable.
La chapelle Saint-Jean Baptiste
Un texte du XVIe siècle nous révèle l’existence à Brion d’une “chapelle champêtre” placée sous le vocable de saint Jean-Baptiste. La carence des sources ne permet pas de déterminer la date de son érection mais on peut faire l’hypothèse que la construction fut contemporaine de celle du château, attesté en 1222. En construisant cette chapelle castrale privée on contournait l’obstacle de la distance séparant Brion de l’église Saint-Georges de Compains. L’activité religieuse était marginale à Brion – au XVIIIe siècle Brion et Saint-Alyre-ès-Montagne se partageaient un vicaire – et c’est au chef lieu que les brionnais continuaient de se rendre pour assister aux principaux offices et se faire inhumer.
La chapelle Saint-Jean Baptiste a pu être située au nord du château, peut-être à l’extérieur de l’enceinte, position courante des chapelles castrales dans la région. Desservi au XVIIe et au XVIIIe siècle par un prieur à la nomination du seigneur mais qui dépendait du curé de Compains, le petit édifice nous est décrit au XVIIIe siècle “esseulé sur une montagne” avec une corde qui “pend au dehors”, et couvert de “tuiles en bois” ce qui indiquerait que la chapelle avait un clocher campanier comme on en voit fréquemment dans le Haut-Pays et parfois dans le sud de la Basse-Auvergne. On voit encore aujourd’hui le clocher de l’église du bourg de Compains couvert de tavaillons de châtaigner.
Bien que décrite en très mauvais état lors des visites pastorales au XVIIe siècle et malgré les injonctions épiscopales qui incitaient à entreprendre des travaux, faute d’entretien la chapelle ne résista pas à l’épreuve du temps. Lors de la visite pastorale de l’évêque François de Bonal en 1782, elle n’était plus desservie depuis une quinzaine d’années. Trop dangereuse, elle fut interdite de célébration en 1786. Témoin des sentiments religieux de la population, sa réouverture était encore réclamée par les brionnais en 1790. Les procès verbaux des visites pastorales ne la mentionnent plus au XIXe siècle, elle ne figure pas sur le cadastre de 1828 et la mémoire collective n’en a pas gardé le souvenir.
Le foirail
Brion bénéficiait-il déjà au XIIe ou au début du XIIIe siècle de l’important marché qui fit sa renommée quelques siècles plus tard ? Les recherches menées dans la région par Gabriel Fournier nous apprennent que “l’habitude parait avoir été assez répandue dès le XIe siècle de tenir des marchés autour des châteaux”. Au XIVe siècle, l’existence des foires de Brion est attestée [G. Fournier].
Les questions restent nombreuses, tant sur le château que sur la chapelle. Une étude archéologique répondra peut être un jour à nos interrogations.
A SUIVRE
4 commentaires sur “Aux origines de Compains”
INCROYABLE SITE, tres serieux,qui m’a permis de retrouver l’histoire de ma famille et mes ancetres jusqu’en 1500.Si vous avez des infos pour faire le lien entre les morin de compains,ardes etc et MAURIN 1 2 3de brion Je suis tres interessé
henry morin
J’ai envie d’aller voir ce village très bientôt!
Un très beau site, un très beau travail ! Un grand merci car ce site m’a permis de faire virtuellement connaissance avec les lieux de résidence d’une de mes branches familiales (ESCHAVIDRE, VERDIER, RAYNAUD et autres à Compains) et d’en découvrir les us et coutumes.
bonjour…votre site est une merveille.
je suis natif de seine-et-marne et issue de l’ancienne union entre Jean Marret né en 1819 à Compains et d’une seine-et-marnaise.
Les parents de Jean Marret sont François Marret né vers 1782 et Catherine Spinoux (1790-1823). Auriez vous des infos sur la migration des habitants de Compains vers la seine-et-marne? J’avais lu sur votre site que beaucoup avait migré dans le 77….mais je ne le retrouve plus.Comme info je sais seulement que ce François Marret était marchand de peaux….à Meaux (77).
bien cordialement et encore bravo pour ce site enchanteur.
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