– Chandelière – Groslier – La Mayrand
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Des SEIGNEURS LAïCS et ECCLÉSIASTIQUES
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Les villages du Levant
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- A cheval sur deux paroisses
A l’est de la paroisse de Compains, les deux villages de Chandelière et Groslier – on appelait villages ce que nous nommons de nos jours des hameaux – voisinent avec la paroisse de La Mayrand. Aujourd’hui encore, la montagne de la Chaux de Chandelière (1278 m.) est traversée par la limite qui sépare les deux communes. Les deux villages étaient plantés au pied de la Chaux : à l’ouest, Chandelière avec à peu de distance, Groslier, posés non loin de la déclivité rocheuse qui borde l’ouest de la Chaux ; à l’est, La Mayrand, proche du ruisseau nommé à cet endroit ruisseau de Roche-Charles, prolongement du ruisseau dit l’Eau derrière qui coule au pied de la Motte.
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- Une vie communautaire inter-paroissiale
Deux facteurs favorisèrent les contacts entre La Mayrand, Chandelière et Groslier du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle. C’est d’abord à Chandelière le vaste communal dit de la Chaux de Chandelière (130 hectares) et celui voisin ddit les Costelles dans la paroisse de La Mayrand qui offraient un vaste espace de parcours commun au bétail des trois villages où s’exerçait un droit de marchage. Ce droit, autorisait les habitants d’une justice ou d’un mas à faire pâturer leurs bêtes au-delà des limites de leur mas sur le communal de la paroisse voisine. Les bestiaux de Chandelière-Groslier pouvaient ainsi déambuler sur le communal de La Mayrand et inversement. C’est ensuite l’appartenance seigneuriale puisque la seigneurie de Brion chevauchait les limites de Compains et s’étendait sur une partie de la paroisse de La Mayrand et même plus loin encore jusqu’à Vauzelle, hameau du Valbeleix. A l’opposé de la Chaux, le tènement de Chandelière-Groslier descendait vers le nord jusqu’à la vallée de la Couze où se trouvait le moulin des habitants, dit de nos jours encore, Moulin de Barbat.
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Une seigneurie ecclésiastique à Chandelière, Groslier et La Mayrand
Séquelle de l’héritage féodal, la mosaïque de seigneuries qui divise Compains est caractérisée du XVe siècle à la Révolution par la stabilité du foncier seigneurial à une exception près cependant : du XVe siècle à la Révolution, une partie des trois villages appartint à la seigneurie ecclésiastique des chanoines de Saint-Chamant. On verra que substituer des religieux lointains et non-résidents à un seigneur laïc ne suffit pas à pacifier la relation avec les paysans.
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- Un chapitre est installé à Saint-Chamant au XVe siècle
Haut personnage du royaume, Robert de Balzac (1440-1503), seigneur d’Entraigues, avait acheté en 1473 le fief de Saint-Chamant, proche de Salers, au pays des Montagnes d’Auvergne. Avec l’accord du pape Sixte IV, Robert de Balzac fonda en 1484 à Saint-Chamant un chapitre pour une communauté de sept chanoines qu’il dota richement d’un prieuré et d’une collégiale. Ce chapitre subsistera jusqu’à la Révolution ou – semble-t-il – peu avant. Robert de Balzac était seigneur d’Entraigues, et c’est probablement cette proximité avec Compains qui l’incita à y acheter la seigneurie de Chandelière pour en doter les chanoines de Saint-Chamant. Chandelière faisait partie de la seigneurie de Brion en 1347 (Johannes Graulery de manso de chandelayironas de parrochia de compens) et en 1349 (mansus de Chandaleyra), quand Maurin de Bréon emprunta à un Lombard conjointement avec les habitants de plusieurs villages de la paroisse, dont celui de Chandelière. Compte tenu de la date de la vente de Chandelière à Robert de Balzac (après 1473 et avant 1525), ce furent très probablement les descendants du clermontois Etienne Souchet, alors coseigneurs de Brion, qui se dessaisirent d’une portion de leur seigneurie pour la vendre à Robert de Balzac (voir le chapitre Les Souchet, seigneurs de Brion).
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- Les chanoines de Saint-Chamant à Chandelière
La seigneurie de Brion s’était donc rétractée vers 1500, peut-on estimer. Morcelant davantage encore le territoire, la seigneurie du chapitre de Saint-Chamant s’étendait à l’extrême est de la paroisse de Compains sur les hameaux de Chandelière, Groslier et une partie de la paroisse de La Meyrand. La seigneurie de Chandelière incluait le communal dit de la Chaux de Chandelière à Chandelière et les Costelles à La Mayrand. Au nord, elle descendait jusqu’à la rive droite de la Couze où se tenait peut-être déjà le moulin qu’on dira plus tard « de Barbat ». Peu aidé par une documentation fragmentée, on peut cependant faire l’hypothèse que les chanoines durent repeupler cet espace doublement marginal et qu’ils y firent pratiquer des déboisements comme l’indique la toponymie aux lieux-dits les essarts et les essères rencontrés sur le cadastre de Chandelière en 1830. Baillée à ferme, la seigneurie de Chandelière allait procurer aux religieux des revenus en argent et en nature et peut-être des dîmes si toutefois le seigneur de Brion ne se les était pas réservées.
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- Un oratoire avant 1633
On trouvait un champ dit « de l’oradou » (oratoire) à Chandelière avant 1633, indice que les chanoines avaient dû vouloir doter leur seigneurie en fondant un petit sanctuaire. Construit dans les dépendances de Chandelière, l’oratoire, qui « jouxte une voie commune » était donc une chapelle de bord de chemin. Cette ancienne dénomination se perpétua jusqu’à la rédaction de la matrice cadastrale en 1830 qui montre des « terres labourables » toujours dites « de l’oradou », situées peu avant l’entrée du hameau au nord de la route qui conduit de Compains à Chandelière. Ce champ est positionné dans le terroir dit « les essarts » en 1633, puis « les essères » deux siècles plus tard.
Cependant, pour les paysans, cultiver des terres ecclésiastiques n’apaisait pas plus les tensions que lorsqu’ils travaillaient sur les terres de la noblesse, aussi ne vont-ils pas hésiter à se lancer dans un procès contre les chanoines lorsqu’ils se considèreront victimes d’un abus de pouvoir.
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Contestations paysannes 1720-1722
- Les paysans s’opposent aux chanoines
La sujétion des ruraux aux chanoines n’alla pas toujours sans heurts ni procès. Depuis que le terrible hiver 1709 avait glacé la région durant plusieurs semaines, les chanoines, restés treize ans sans réclamer le paiement du cens, s’étaient tout à coup avisés d’en réclamer les arrérages aux paysans de Chandelière, Groslier et La Mayrand. L’affaire mit le feu aux poudres. Comme les brionnais l’avaient fait à l’encontre de Jean de Laizer, les laboureurs de la seigneurie de Saint-Chamant virent là l’occasion de secouer le joug seigneurial et se lancèrent dans un procès devant le baillage de Montpensier à Aigueperse. Ils ne s’opposaient pas au paiement du cens mais à la façon de la réclamer, car si payer annuellement un cens en argent qui se dévaluait au fil du temps était supportable, payer d’un coup treize années en nature pouvait ruiner même des paysans aisés.
Pourquoi ce réveil tardif des chanoines ? Selon Abel Poitrineau, certains établissements religieux n’étaient pas plus vertueux que tous ceux qui, marchands ou particuliers, spéculaient en période de crise et constituaient des stocks dans un but spéculatif. Aussi peut-on envisager que les religieux de Saint-Chamant aient différé la réclamation du cens aux paysans en attendant des jours meilleurs. Venue une année où le prix des grains se trouvait à la hausse, ils réclamèrent d’un coup les arrérages de cens ce qui souleva l’indignation des paysan et un procès s’ensuivit. Si le cens n’avait pas été réclamé pendant plus de trente ans, les paysans auraient pu contester la légitimité de la prétention du chapitre, mais les treize années qui s’étaient écoulées furent considérées par le tribunal comme une durée trop courte. Les terriers faisant foi, le chapitre gagna en 1722 son procès contre les laboureurs. Désavoués par la justice, les paysans durent se départir de leur instance et furent contraints de payer les arrérages dus de 1709 à 1721.
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- Le curé de La Meyrand fomente un soulèvement contre un prêtre
Le subdélégué d’Issoire, Lafont, rend compte à l’intendant en 1741 d’une contestation du droit de pacage survenue à La Mayrand entre le prêtre Seymier et les habitants. Seymier, l’un des nombreux prêtres communalistes de Besse, était propriétaire du domaine de Montaigut sur les hauts de La Mayrand. C’est le curé de La Mayrand lui-même qui avait persuadé les habitants que Seymier n’avait aucun droit de partager leur pacage dans la Montagne de Reboisson située entre Viallard-haut et Roche-Charles. Se voyant poussés par leur curé, les ruraux, mus par une soudaine pulsion de violence, avaient tué des moutons de Seymier, en avaient chassé d’autres n’hésitant pas à malmener le berger. Après quoi, tous les habitants du village s’étaient mutinés et avaient pris fait et cause pour les révoltés.
Les habitants de La Mayrand, comme ceux de Chandelière et Groslier, croyant être les seuls légitimes à faire pacager leurs bestiaux dans la Montagne de Reboisson demandèrent la permission d’engager un procès devant le lieutenant criminel de Riom. De son côté Seymier affirmait avoir le droit « depuis un temps immémorial » de faire paître ses bestiaux à l’endroit contesté et, à l’appui de ses dires, exhibait d’anciennes reconnaissances (1451, 1571, 1612) qui fondaient son droit de pacage indivisément avec les habitants de La Mayrand, Groslier, Viallard et Montaigut. Confondus, les ruraux instrumentalisés par le curé se trouvèrent déboutés de leur plainte. Ces évènements laissèrent sans doute un mauvais souvenir au subdélégué Lafont. Alors qu’en 1769 il devait se rendre à La Mayrand pour dresser un procès-verbal sur des défrichements illicites de communaux, il exprimait à l’intendant son inquiétude, car « les habitants de cette paroisse sont extrêmement mutins », et le suppliait de lui fournir l’escorte de deux gens d’armes.
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Misère du bas clergé
Les conditions de vie des religieux étaient extrêmement contrastées. La situation sociale des religieux de Saint-Chamant, celle du curé de La Mayrand ou encore celle du prêtre communaliste de Besse propriétaire du domaine de Montaigut, ne montraient que peu de points communs. Le pauvre curé de La Mayrand desservait une paroisse qui ne comptait que « seize feux en tout et environ quatre vingts communians » en 1768, année où l’État procéda à une enquête officielle sur les revenus des curés. Sauvy, alors curé de La Mayrand, déclarait que ses revenus (dîmes et fonciers) n’atteignaient même pas les 300 livres (la portion congrue) qu’il aurait dû toucher « conformément aux ordres de sa majesté ». La même année, le curé de Compains touchait 460 livres, dans une paroisse il est vrai beaucoup plus peuplée. Bien que doté de revenus insuffisants, le curé de La Mayrand devait payer les décimes au roi et le cens en argent et en nature (seigle et avoine) à deux familles seigneuriales, les Crussol, successeurs des Saint-Nectaire au Valbeleix, et le chapitre de Saint-Chamant pour sa seigneurie de Chandelière qui débordait sur La Mayrand. Le curé se heurtait en outre à Paul d’Anglars, seigneur de Bassignac, qui confisquait à son profit les dîmes du domaine du Roquet à La Meyrand en se fondant comme de coutume sur une pratique « immémoriale ». Aussi est-ce un véritable appel à l’aide que lance le curé en 1768 quand il écrit au vicaire général du diocèse de Clermont pour tenter d’entrer en possession de la dîme du Roquet. Cette même année, l’État faisait passer à 500 livres la portion congrue des curés sans qu’on puisse dire si Bassignac en tira les conséquences.
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Chandelière – Groslier – La Mayrand
Arch. dép. du Puy-de-Dôme – Cadastre Compains 1828 – Cadastre La Mayrand 1838
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Jean 1er de Laizer étend ses biens à Groslier
Anthoine Peyronnet fut l’agent seigneurial de Jean 1er de Laizer-Siougeat entre 1658 et 1672, pour le moins. On voit Peyronnet agir à diverses reprises à Compains, tantôt qualifié « agent et domestique de Monseigneur », puis « maitre d’hotel » en 1661 et 1665, « collecteur conventionnel de la paroisse » (chargé de collecter la taille et de payer le receveur), ou encore en 1661 « praticien » (juriste). Mort à Clermont en 1674, Anthoine Peyronnet y sera inhumé dans l’église Saint-Genès. En 1665, Peyronnet dit « maitre d’hotel du seigneur de Siougeat » achète un champ d’une septerée de terre (soit à peu près un journal 1/4 selon Lacroze en 1840) dans le terroir de Chandelière. Mouvant du seigneur de Brion, le champ confine à un domaine tenu par Jean-François Dauphin de Leyval. Sept ans plus tard, Peyronnet vend à Jean de Laizer pour la somme de 300 livres une petite métairie située à Groslier comprenant maison, grange, étable, chezaux, jardin, prés, parras, bois, fraux et communaux. Peu avant sa mort (1676) Jean de Laizer agrandit donc la seigneurie de Brion.
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Une société hiérarchisée
Issu d’une famille de magistrats et d’officiers clermontois, Jean-François Dauphin de Leyval, seigneur de Montrodès, marquis de Villemont était procureur général en la cour des aides à Clermont. Cette famille était connue à Compains où César Dauphin, anobli en 1732 par Louis XV, était en 1714 propriétaire d’une terre à Brion. Vingt ans plus tard Jean-François Dauphin de Leyval est un important propriétaire terrien, à la tête dans la seule région de Compains de huit domaines dispersés dans les paroisses de Compains, Egliseneuve d’Entraigues, Chanterelle et Espinchal. On verra que ces huit domaines, chacun d’une trentaine de bêtes, seront longtemps affermés au marchand Pierre Tartière, du hameau compainteyre de Graffaudeix.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, le système social est plus que jamais figé sous forme pyramidale, une hiérarchie qui persistera jusqu’à la Révolution. Au sommet était le roi qui prélevait les impôts royaux (taille, capitation, vingtièmes…). Venait ensuite à Chandelière le seigneur – le chapitre de Saint-Chamant – qui touchait le loyer de sa terre, le cens, payé en argent et en nature. Le chapitre, comme le curé de la paroisse, prélevait la dîme. Suivait le propriétaire du bien, à Chandelière un non résident, Dauphin de Leyval qui se réservait le loyer en argent du domaine de Chandelière et une partie de la récolte qu’il fallait aller livrer à son domicile clermontois (beurre, fromages, céréales…). Dauphin affermait plusieurs de ses domaines à un « fermier général », Pierre Tartière, un gros laboureur qui faisait partie des moins mal lotis de la paroisse. Tartière sous-affermait ensuite à des paysans chacun des domaines de Dauphin de Leyval qu’il supervisait tout en prélevant lui aussi sa part du produit de la terre. Au bas de l’échelle était le paysan qui tentait de faire fructifier le domaine en subissant les aléas climatiques, les épizooties et en payant les impôts royaux, seigneuriaux et ecclésiastiques tout en s’efforçant d’extorquer à sa terre une autosuffisance toute relative, même en « année commune ».
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Pierre Tartière, « fermier général » des huit domaines de Dauphin de Leyval
En janvier 1743, est acté à Clermont un bail à ferme dont la portée est rare dans la région. Dauphin de Leyval baille ses huit domaines à un homme de confiance, Pierre Tartière de Graffaudeix, paysan illettré, mais entreprenant. Tartière connait bien ces huit domaines « pour les avoir jouy puis longues années » en vertu de deux baux antérieurs, dont le premier qui nous soit connu, en 1721, avait été prorogé en 1726 et 1734. Tartière, qui exploitait lui-même depuis plus de trente ans l’un de ces huit domaines, celui de Graffaudeix, sous-affermait les autres, dont celui de Chandelière. Pour l’exécution du bail, Dauphin laissait Tartière libre de subroger qui bon lui semblerait comme sous-fermiers, à la charge pour lui de faire respecter toutes les obligations du bail. En contre-partie, Tartière devait verser chaque année à Dauphin de Leyval « deux mille vingt cinq livres argent, soixante dix fromages plats…pesant quatre livres pieces, soixante deux livres lin bien peigné, cinquante livres de beurre » pour les huit domaines affermés. L’argent et les redevances en nature devaient être convoyés par Tartière jusqu’au domicile clermontois de Dauphin de Leyval. Évaluer précisément le nombre de bêtes des huit domaines est malaisé sachant que les vaches sont pour la plupart « suivies ». On dira donc que chaque domaine comprenait environ vingt à trente bêtes, peut-être davantage, qui évoluaient sur autant de têtes d’herbages (une tête valait un hectare environ), auxquelles s’ajoutaient classiquement communaux, bois, prés et parras. C’est donc l’un de ces domaines que nous allons suivre, celui de Chandelière.
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Deux croix à l’entrée du village de Chandelière
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- Le domaine de Chandelière sous-affermé 1743, 1752
En 1743, les chanoines baillent à ferme à Tartière pour neuf ans le domaine de Chandelière dont ils toucheront le cens. Peu détaillé, le bail ne précise ni la localisation, ni la superficie du domaine, considéré bien connu du preneur. Le domaine est ameublé d’une maison-grange (la grange est dite servir en partie de maison pour le métayer), d’une étable et de plusieurs chezals, avec bois, terres et montagnes. Le domaine est garni de « douze vaches pleines ou suivies de leurs veaux bonnes et de recepte », deux paires de bœufs valant deux cent vingt livres et d’une jument évaluée cent vingt livres (une somme qui parait surévaluée comparée au prix moyen rencontré à cette époque). On cultivait notamment à Chandelière le seigle, la « pasmoule », une variété d’orge et le lin. On a déjà observé qu’à Brion on utilisait les mesures de Brion et qu’au bourg de Compains on utilisait les mesures de Besse ; à Chandelière, on utilisait les « mesures de Vodable », paroisse proche d’Issoire. Parmi les devoirs du preneur figurait l’interdiction de couper les arbres morts ou vifs sans le consentement écrit de Dauphin qui se les réserve. Les impositions devraient être payées par Tartière ou par les sous-fermiers.
Dix ans plus tard, Tartière, devenu « ancien fermier » des domaines de Dauphin de Leyval, transmet le domaine de Chandelière à l’agent d’affaire de Dauphin qui a renoncé à l’option du « fermier général » et a opté pour le fermage direct. Le bail du domaine de Chandelière passe à Michel Barbat, un laboureur de Compains qui succède à Pierre Chanet. Ce dernier délivre à Barbat douze vaches, une paire de tersons (bovin de trois ans), une paire de doublons (bovin de deux ans) et une jument de soixante-dix livres, un prix plus conforme au prix habituel d’une jument que celui vu plus haut. Le domaine comprend des bâtiments en bon état, y compris la maison du métayer qui bénéficiera d’un droit de passage dans ce qui appartient aux chanoines.
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Vente du domaine de Chandelière à des paysans
En 1771, Marguerite Dauphin de Montrodeix est veuve de Dauphin de Leyval (Pierre-Gilbert de Vény d’Arbouze, marquis de Villemont, seigneur de Montrodeix, né en 1713). Elle renouvelle pour trois nouvelles années à Michel Barbat le bail à ferme du domaine de Chandelière et payera le cens aux chanoines. Outre les impôts, taille, capitation et vingtièmes du domaine qui viendront en diminution du prix du bail, Barbat paiera à Marguerite Dauphin 300 livres en argent, 12 fromages plats de regain de six livres chacun, 12 livres de beurre et 12 livres de lin par an, le tout rendable (livrable) chez la propriétaire à Clermont. Qui était Michel Barbat ? Le rôle d’impôt de 1771 montre Barbat imposé en position médiane à 89 livres de taille ce qui le situe loin des trente les plus imposés de la paroisse. Aucun habitant de Chandelière ne figurera d’ailleurs ni en 1830, ni en 1881, parmi les trente contribuables les plus imposés de la commune.
La situation devient ensuite confuse. Selon nos sources actuelles, le domaine était devenu la propriété de François Tartière après 1771. Il le revendit à Augustin de Veny d’Arbouze, seigneur de Villemont, demeurant à Clermont. Augustin était le fils de Marguerite Dauphin de Montrodeix, veuve de Pierre-Gilbert de Vény vu plus haut. Après son achat à Tartière, Augustin revendit rapidement le domaine le 3 juillet 1775 à six laboureurs de Chandelière, Pierre Chandezon, Blaise Verdier, Nicolas Morin, Jean Admirat, Antoine Barbat (fils de Michel) et Jean Barbat. La vente, qui se fit moyennant 314 livres de rente foncière non rachetable, comportait une clause inhabituelle : les acquéreurs devraient indemniser le marquis après une condamnation qu’il avait subie (sentence de la sénéchaussée de Clermont du 30 août 1774), à cause des droits de lods et vente impayés aux deux seigneurs du domaine, Jean-Charles de Laizer seigneur de Brion et Bassignac, seigneur du Roquet, seigneurie voisine du bourg de La Mayrand. Le chapitre de Saint-Chamant ne semble donc plus à cette date être seigneur du domaine de Chandelière. Mais en achetant ce bien, Augustin de Vény semble avoir ignoré qu’il devait payer à Laizer et Bassignac 1220 livres de droits de lods, soit le sixième du prix du domaine vendu 7320 livres. Bestiaux et biens immobiliers représentaient 1500 livres. Le contrat passé entre Vény et les paysans les chargeait donc de faire appel de la sentence qui frappe Vény et, s’ils ne gagnent pas en appel, de payer l’amende pour en décharger Vény, ce qui expliquerait le faible montant de la rente.
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Où on reparle du partage des communaux 1877-1907
Sous l’influence des nouvelles théories agricoles, (Physiocrates), les subdélégués et les intendants d’Auvergne estimaient dans le dernier tiers du XVIIIe siècle que les fonds soumis à la jouissance commune « donnent un produit nul au lieu que divisés et mis en propre ils acquièrent une valeur bien plus considérable ». Cependant, considérant l’émiettement des petites propriétés et le tort qu’un tel partage ferait aux plus pauvres, l’État avait renoncé à imposer cette mesure. En 1807, les habitants de La Meyrand demandèrent le partage des communaux. Un arrêt du Conseil d’État autorisa le partage par feux, ce qui fut accepté par le conseil municipal. Pourtant, le partage ne sera réalisé que bien plus tard et l’affaire ne reviendra sur le tapis qu’en 1879 quand, à la demande des habitants de Chandelière, le conseil municipal de Compains autorisera le partage des communaux par feux, suivant l’arrêt de 1807 du Conseil d’État.
Il faut dire que le découpage administratif post-révolutionnaire avait placé Chandelière et Groslier dans le canton de Besse, alors que La Mayrand se trouvait dans le canton d’Issoire, positionnement considéré par les élus comme un « sérieux inconvénient ». En outre, les intérêts des trois villages étaient devenus de plus en plus contraires. Les habitants de La Mayrand faisaient paître sur le communal indivis de la Chaux d’importants troupeaux de moutons, ce qui développait le sentiment d’être lésés chez les petits propriétaires de Chandelière et Groslier. En 1883, le partage des lots affectés à La Mayrand aux Costelles est décidé pour dix-huit ans. L’année 1901 met fin à la jouissance séparée des lots qui se retrouvent jusqu’à 1907 jouis en commun. Mais ce mode de jouissance gêne l’usage du communal pour les petits propriétaires de moutons de Chandelière et Groslier qui se considèrent à nouveau « spoliés » par les gros propriétaires de La Mayrand. Il était vrai que les paysans de La Mayrand envoyaient chacun au pacage de 100 à 400 moutons, ce qui occasionnait « plaintes et cris » chez les paysans compainteyres qui demandent majoritairement le partage en deux lots, cette fois pour 29 ans. Des experts seront nommés en 1908 pour procéder au partage définitif.
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Communes de Compains et La Mayrand – Plan géométrique du lotissement du communal appartenant aux habitants des villages de Chandelière, Groslier et Lameyrand
Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 33 Fi 217 3 (1880) – Echelle 1/2500
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Sur les hauts de Chandelière
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A SUIVRE